Le propriétaire n’a pu rompre le bail
Le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie d’une contravention aux obligations dont le preneur est tenu. Celle-ci doit être de nature à lui porter préjudice.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L’histoire
La mise à disposition des biens loués au profit d’une société d’exploitation ne peut dispenser le preneur d’en poursuivre la mise en valeur de manière effective et personnelle. Dans notre affaire, Alexis avait donné à bail à Adrien et Olivia un domaine agricole consacré à la polyculture. Le frère et la sœur les avaient mis à la disposition d’une EARL constituée entre eux. Quelques années plus tard, Adrien avait quitté le domaine pour se consacrer à l’enseignement.
Le contentieux
Alexis, qui n’avait pas apprécié ce départ de l’exploitation, avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux. Pour lui, la résiliation du bail s’imposait, selon l’article L. 411-37 du code rural. Ce texte précise que le preneur, associé de la société à laquelle les biens loués ont été mis à disposition, reste le seul titulaire du bail. Il doit continuer à se consacrer à l’exploitation de ces biens en participant aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région.
La jurisprudence a aussi longtemps admis que le défaut d’exploitation par le preneur était sanctionné par la résiliation du bail. Or, selon Alexis, Adrien avait bien quitté le domaine agricole pour se consacrer à l’enseignement et Olivia avait cédé la quasi-totalité de ses parts sociales, de sorte qu’elle n’avait plus la qualité d’exploitante au sein de la société.
Mais la jeune femme avait vivement réagi. Depuis l’ordonnance du 13 juillet 2006, la demande de résiliation du contrat, fondée sur des changements intervenus au sein de la société, est soumise, selon elle, à l’exigence d’un préjudice causé au bailleur. Or, le fait que son frère eût cessé de participer à l’exploitation des terres mises à la disposition de la société était sans incidence sur la poursuite du bail par elle-même et n’avait pu causer un préjudice à Alexis.
Le tribunal paritaire lui avait donné raison et écarté la résiliation du contrat. Mais la cour d’appel avait ensuite infirmé le jugement. Les changements dans la mise à disposition des terres étant intervenus avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 13 juillet 2006, la demande de résiliation du bail n’était pas soumise à l’exigence d’un préjudice susceptible d’être occasionné au bailleur. De plus, la cession par Adrien de ses parts dans l’EARL et sa cessation d’activité lui avaient fait perdre sa qualité d’associé et de copreneur, de sorte que la résiliation du contrat était encourue indépendamment de tout préjudice.
Saisie par Olivia, la Cour de cassation s’est montrée plus rigoureuse. La condition tirée de l’existence d’un préjudice pour prononcer la résiliation du bail, introduite par l’ordonnance du 13 juillet 2006, était bien applicable en l’espèce, car la saisine du tribunal était postérieure à son entrée en vigueur. Alexis n’avait pas non plus soutenu qu’il avait subi un préjudice.
L’épilogue
La cour de renvoi devra s’interroger sur la situation du domaine : le départ d’Adrien a-t-il des conséquences sur l’exploitation et Olivia en poursuit-elle la mise en valeur ? Alexis pourra arguer qu’Olivia ayant, à son tour, cessé l’exploitation des parcelles louées, a implicitement mais nécessairement cédé le bail à la société, ce qui justifie, de fait, sa résiliation.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :