Les intérêts des sommes versées à titre Les intérêts des sommes versées à titre de chapeau ne sont pas éternels
A l’occasion d’un changement d’exploitant, le code rural interdit le versement, par le preneur entrant, d’une somme au bailleur ou au fermier sortant. Le preneur pourra demander le remboursement de ce « chapeau », ou « pas-de-porte », majoré d’intérêts calculés sur les cinq dernières années.
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L’histoire. Les praticiens connaissent bien l’article L. 411-74 du code rural. Il sanctionne tout bailleur ou tout preneur sortant qui, à l’occasion d’un changement d’exploitant, a obtenu une remise d’argent non justifiée. On parle alors de « chapeau » ou de « pas-de-porte ». Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi d’avenir du 13 octobre 2014, elles sont assorties d’un intérêt calculé à compter de leur versement et égal au taux de l’intérêt légal majoré de trois points. L’application de ce dispositif a failli coûter très cher à Jean.
En 1989, il avait cédé à Pierre divers éléments d’exploitation agricole et lui avait consenti un bail sur plusieurs parcelles pour vingt et un ans. Les rapports entre les parties étaient sereins. Pourtant, juste avant l’échéance du bail et devant le tribunal paritaire des baux ruraux, Pierre avait réclamé la restitution, avec les intérêts depuis leur versement, des sommes qu’il estimait avoir indûment versées lors de la cession de l’exploitation. Sa demande se fondait sur l’article L. 411-74 du code rural.
Le contentieux. Ces sommes ne représentaient-elles pas un « chapeau » totalement injustifié ? Elles pouvaient donc faire l’objet d’une demande de remboursement pendant toute la durée du bail. Quant à la demande en paiement des intérêts majorés, elle dérivait bien de la demande en restitution de ces sommes, et devait donc suivre la même procédure.
Mais, pour sa défense, Jean avait invoqué un argument juridique susceptible de réduire la prétention de Pierre. Si la restitution d’une partie des sommes versées lors de l’entrée dans les lieux pouvait être admise, il n’était pas question, pour lui, de payer les intérêts depuis le jour du versement de ces sommes, dont le montant dépassait celui des sommes réclamées en principal. La prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil devait s’appliquer. Elle cantonnait la créance de Pierre aux cinq dernières années.
C’est ce qu’ont décidé les juges. La majoration des intérêts était bien soumise au délai de prescription de droit commun. Les intérêts des sommes indûment versées par Pierre n’étaient dus que sur les cinq années précédant sa demande, soit à compter de 2004, alors que le bail avait été consenti en 1989. En outre, les juges ont convenu que la majoration d’intérêt de trois points introduite par la loi d’avenir ne pouvait s’appliquer rétroactivement à la répétition des sommes versées avant la date de son entrée en vigueur, soit le 14 octobre 2014. En rejetant le pourvoi de Pierre, la Cour de cassation a fait sienne cette analyse.
L’épilogue.Avec cette décision, la dette de restitution de Jean s’est trouvée allégée. Il n’aura pas à régler les intérêts majorés et capitalisés à compter du versement des sommes indûment payées par Pierre au titre de la cession de l’avoiement de ferme. Les praticiens se satisferont de cet arrêt, qui vient tempérer la rigueur de la sanction financière posée par l’article L. 411-74 du code rural.
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