La servitude de passage n’était pas étei La servitude de passage n’était pas éteinte
La servitude conventionnelle, dont l’usage n’est subordonné à aucune condition d’exercice particulière, n’est pas éteinte malgré son changement de destination consécutif à la cessation de l’exploitation de la parcelle en vue de laquelle elle a été consentie.
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L’HISTOIRE. L’extinction d’une servitude conventionnelle devenue inutile est souvent la source de querelles de voisinage. La société des Vieux Chênes était propriétaire, à la sortie du village, de deux parcelles qui bénéficiaient, en vertu d’un ancien acte notarié, d’une servitude de passage conventionnelle sur les parcelles mitoyennes appartenant à Didier, son voisin. Lors des réunions de famille, on racontait que cette servitude avait été consentie pour faciliter l’exploitation de vignes plantées en 1875 sur le fonds dominant. Mais depuis bien longtemps, la vigne avait disparu et des constructions avaient été édifiées sur certaines des parcelles acquises par la société. La servitude n’avait donc plus d’utilité.
LE CONTENTIEUX. Didier avait consulté un notaire qui lui avait indiqué qu’en vertu de l’article 703 du code civil, « les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user ». Aussi était-il en droit de solliciter la suppression de la servitude grevant ses parcelles. Il avait donc assigné la société des Vieux Chênes devant le tribunal en extinction de la servitude et subsidiairement en déplacement de son assiette. Pour lui, il n’y avait aucun doute : selon l’acte notarié constitutif, la servitude de passage grevant ses parcelles avait pour objet de faciliter l’exploitation d’une parcelle en nature de vigne ; aussi la disparition de cette vigne avait bien entraîné la disparition de l’objet de la servitude de passage et partant son extinction, même si le passage pouvait toujours être utilisé. Mais la société des Vieux Chênes ne l’entendait pas ainsi. Elle avait fait valoir que pour la Cour de cassation, l’inutilité d’une servitude n’est pas une cause d’extinction, mais seulement l’impossibilité d’en user. Or, en espèce, l’exploitation des vignes n’était pas la seule utilité pour laquelle la servitude avait été consentie, puisque l’acte notarié prévoyait aussi l’usage de son assiette en cas de construction d’un immeuble. Les juges ont tranché en faveur de la société : ils ont relevé que l’acte qui instituait la servitude ne la soumettait pas à une condition d’exercice particulière et prévoyait son usage en cas de construction. Et ils ont constaté que la servitude de passage était toujours utilisée pour la desserte en automobile des parcelles où se trouvaient une maison et un jardin appartenant à la société, et que rien n’empêchait cet usage. La servitude conventionnelle avait bien un usage, elle n’était donc pas éteinte malgré son changement de destination consécutif à la cessation de l’exploitation de vignes en vue de laquelle elle avait été consentie.
L’ÉPILOGUE. Didier devra supporter le passage de ses voisins, étant soumis au principe de la fixité de la servitude. Tout au plus, s’il estime que la desserte de constructions nouvelles édifiées sur le fonds dominant constitue une aggravation de la servitude de passage, pourra-t-il saisir le juge en vue de la faire cesser.
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