Trop cher héritage Trop cher héritage
Le bénéficiaire de l’attribution préférentielle d’un bien demeure libre d’y renoncer tant qu’un partage définitifn’est pas intervenu. D’autant pluss’il s’aperçoit qu’il n’a pasla capacité financièrede réaliser l’opération.
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L’histoire
« Gardez-vous, leur dit-il, de vendrel’héritage que nous ont laissé nos parents. »
Ce conseil donné par le fabuliste Jean de La Fontaine (1) éclaire notre histoire. Georges avait mis en valeur, avec son épouse, un domaine viticole constitué d’une maison de maître, de bâtiments d’exploitation attenants et d’un ensemble de parcelles plantées en vignes, sous l’appellation « AOC Côtes-de-Bourg ». à ses cotés, son fils, Yves, était responsable de la commercialisation du vin. Au décès de Georges, des difficultés s’étaient élevées lors de la liquidation de la succession.
Le contentieux
Yves avait alors assigné sa mère et sa sœur, Marie, devant le tribunal de grande instance en vue d’obtenir une évaluation des biens composant la succession et l’attribution préférentielle de la propriété. Un expert avait été désigné pour estimer le domaine. Le tribunal avait ensuite ordonné la liquidation et le partage de la succession, homologué le rapport de l’expert et fait droit à la demande d’attribution préférentielle d’Yves au prix déterminé. Yves, qui avait surestimé ses capacités financières, s’était ravisé et avait fait appel du jugement. Il avait exposé qu’au prix de l’évaluation retenue, il ne sollicitait plus l’attribution préférentielle du domaine, étant dans l’incapacité d’en payer le montant aux cohéritiers.
Marie s’était opposée à cette demande, en faisant valoir un argument de droit s’appuyant sur l’article 834, alinéa 2, du code civil. Jusqu’au partage, le bénéficiaire ne peut renoncer, selon ce texte, à l’attribution que lorsque la valeur du bien, telle que déterminée au jour de cette attribution, a augmenté de plus du quart au jour du partage, indépendamment de son fait personnel. Or, ces conditions n’étaient pas réunies, car la valeur du domaine familial fixée par le tribunal n’avait pas évolué lors de la saisine de la cour d’appel. Aussi, Yves ne pouvait pas renoncer à sa demande d’attribution préférentielle et devait verser la soulte correspondante.
Mais la cour d’appel n’avait pas été sensible à l’argumentaire de Marie. Yves était libre de renoncer à l’attribution préférentielle de la propriété viticole. Tant que la décision ayant fait droit à la demande d’attribution préférentielle n’est pas définitive, son bénéficiaire peut y renoncer pour tout motif, selon une jurisprudence bien établie. Aussi, le jugement qui avait fait droit à la demande d’attribution préférentielle ayant été frappé d’appel, la renonciation pouvait parfaitement être exercée par Yves, même si les conditions visées à l’article 834 du code civil n’étaient pas remplies.
Saisie par Marie, la Cour de cassation n’a pu qu’approuver la cour d’appel, qui avait fait une exacte application de la règle de droit.
L’épilogue
Après la renonciation d’Yves, les juges ont ordonné la vente aux enchères du domaine sur une mise à prix très inférieure à celui fixé par l’expert. On peut comprendre la déception de Marie, qui souhaitait le maintien du domaine viticole dans la famille et en espérait une valorisation à la hauteur de sa réputation. Mais c’était sans compter sur l’incapacité de son frère à en payer le prix.
(1) Le laboureur et ses fils.
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