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La falaise servait de borne La falaise servait de borne

Faire appel à un géomètre-expert lorsque deux fonds sont séparés par une limite naturelle est inutile.

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L’histoire

Claudine et Jean étaient propriétaires indivis d’une petite parcelle qu’une société de télécom envisageait de leur louer pour y édifier une antenne-relais de téléphonie mobile. Cette parcelle était bordée, au Sud, par celle d’Alain, qui était contiguë et séparée par une falaise plantée de chênes verts. Eleveur, il y faisait paître ses moutons. Pour réaliser l’opération, la société avait souhaité disposer d’un procès-verbal de délimitation précis de la parcelle afin d’éviter tout conflit avec le propriétaire voisin. Aussi, Claudine et Jean avaient-ils assigné Alain en bornage devant le tribunal d’instance.

Le contentieux

Leur prétention était pertinente. D’une part, selon l’article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. L’opération se fait alors à frais communs. D’autre part, la contiguïté constitue la condition nécessaire et suffisante à l’accueil d’une demande en bornage. En l’espèce, il ne faisait aucun doute que les parcelles étaient limitrophes. Aussi, Alain ne pouvait-il s’opposer à la demande de bornage de Claudine et Jean. Celle-ci devait donc conclure à un procès-verbal qui accompagnerait le dossier de mise en location de leur parcelle au profit de l’opérateur téléphonique.

Pourtant, Alain n’entendait pas se laisser imposer une opération de bornage, entraînant la désignation d’un géomètre-expert dont il aurait à partager les frais et honoraires. Il s’était documenté et avait trouvé sur le site Legifrance une intéressante jurisprudence qui, par analogie, pouvait s’appliquer à sa situation. En effet, il a été jugé que l’action en bornage ne peut être exercée lorsque les fonds sont séparés par une limite naturelle comme, par exemple, un ruisseau. Or, en l’espèce, les deux parcelles étaient séparées par une falaise boisée, qui pouvait être regardée comme une limite naturelle. Aussi, la demande de bornage devait dès lors être écartée. Mais cette jurisprudence était-elle applicable et les limites d’une propriété sont-elles, en droit, liées à la topographie ? Après tout, la limite divisoire ne devait-elle pas se situer en surplomb et au-delà de la falaise ?

Les juges ont tranché ces questions en écartant la demande de bornage de Claudine et Jean. Ils ont confirmé que leur action ne pouvait être exercée lorsque des fonds étaient séparés par une limite naturelle. Et ils ont constaté que les deux parcelles en litige étaient séparées par une falaise dessinant une limite non seulement naturelle, mais infranchissable sans moyens techniques appropriés. L’action en bornage n’était donc pas fondée. Une solution que la Cour de cassation a confirmée ensuite.

L’épilogue

Sous l’angle strictement juridique, toute cette procédure judiciaire n’aurait-elle pas pu être évitée ? En effet, compte tenu de la jurisprudence, si une falaise de plusieurs mètres ne suffit pas à établir la limite naturelle d’un fonds, on se demande bien quel autre bouleversement géologique majeur pourrait en constituer une ! Pour autant, Claudine et Jean pourront se prévaloir de l’arrêt pour contracter avec l’opérateur. Celui-ci aura compris, dans de telles circonstances, l’inutilité d’un procès-verbal de bornage.

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