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Ordonner une expulsion n’est pas donné à Ordonner une expulsion n’est pas donné à tous les juges

Le juge administratif est compétent pour ordonner une expulsion si la question concerne le domaine public. Au-delà, la tâche revient au juge judiciaire.

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L’histoire. Le litige n’était pas banal. Pour régler de lourdes dettes, Rémi avait vendu son exploitation comprenant une maison d’habitation à la Région Bretagne. Celle-ci avait pour projet de reconvertir les bâtiments en ferme pédagogique pour les besoins d’un lycée agricole. Selon le contrat de vente, Rémi était recruté par le lycée comme salarié agricole et la maison d’habitation était mise à sa disposition dans le cadre d’un bail. Quelques mois plus tard, les relations s’étaient tendues. La Région avait mis fin au contrat de Rémi et l’avait mis en demeure de quitter la maison. Mais celui-ci s’était maintenu et avait poursuivi la mise en valeur de l’exploitation au profit des élèves du lycée.

 

Le contentieux. Déterminée à faire valoir ses droits, la Région Bretagne avait saisi le juge des référés administratif d’une demande d’expulsion de Rémi, devenu occupant sans droit ni titre. Mais le juge administratif était-il véritablement compétent dans cette affaire ? Pour la collectivité territoriale, il n’y avait pas d’hésitation. Elle a fait valoir qu’en cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner toute mesure utile en vue de l’expulsion d’occupants irréguliers du domaine public. L’exploitation faisait partie du domaine public, puisqu’elle était la propriété de la région et qu’elle était affectée au service public de l’enseignement. Le juge administratif, convaincu par cet argument juridique, avait ordonné l’expulsion de Rémi. Mais ce dernier n’entendait pas en rester là.

Devant le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi, il avait rappelé qu’il appartient aux seuls tribunaux judiciaires d’être compétent en matière d’expulsion d’un occupant sans titre d’un immeuble relevant du domaine privé d’une collectivité publique. Il n’en va autrement que si le contrat relatif à l’occupation de l’immeuble comporte des clauses reconnaissant à la collectivité des prérogatives exorbitantes de puissance publique.

Or, en l’espèce, si l’exploitation agricole était bien la propriété de la collectivité publique, elle ne présentait aucune spécificité permettant de la distinguer d’une exploitation agricole privée. En effet, elle comprenait un poulailler, une laiterie et un cheptel de 200 brebis, et n’avait fait l’objet d’aucun aménagement en vue de l’accueil des élèves du lycée. C’est sur ce terrain que s’est placé le Conseil d’État pour annuler la décision du juge administratif. Il a constaté que l’exploitation n’avait fait l’objet d’aucun aménagement indispensable en vue de son affectation au service public de l’éducation. Dans ces conditions, la ferme et la maison d’habitation ne pouvaient être qualifiées de dépendances du domaine public de la Région.

 

L’épilogue. Le juge administratif n’était donc pas compétent pour ordonner l’expulsion de Rémi. Ce dernier pourra disposer d’un certain répit pour rester dans les lieux et poursuivre la mise en œuvre de la ferme. Mais il ne sera pas à l’abri d’une autre procédure relevant du droit du travail devant le conseil des prud’hommes.

 

 

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