Conflits entre juridictions civile et ad Conflits entre juridictions civile et administrative
En matière d’expropriation, l’indemnité due pour la privation de propriété relève de la juridiction civile. C’est à la juridiction administrative de se prononcer sur l’indemnisation de la servitude publique d’inconstructibilité qui en découle.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L’histoire. Nous sommes confrontés, en matière d’expropriation, au droit à réparation du propriétaire concerné. Dans la présente affaire, l’arrêté préfectoral de cessibilité a été rendu par le préfet. Il s’agit de l’agrandissement d’une voie de circulation publique. Joseph possède des parcelles qui seront touchées par l’expropriation, et d’autres en dehors de l’opération. Il se plaint, d’après ce qu’il connaît du projet d’élargissement de la route et précisément en ce qui concerne les parcelles non expropriées, des dommages pouvant résulter pour lui. Il y aura à régler le problème des indemnités pour expropriation, mais également la détermination de la compétence pour trancher les difficultés soulevées.
Contentieux. La déclaration d’utilité publique et celle de cessibilité ont été publiées. L’ordonnance d’expropriation est sur le point de l’être et sera transmise aux hypothèques. Conformément au dossier, certaines des parcelles appartenant à Joseph seront expropriées. Par conséquent, il perdra tout droit sur ces dernières. Surtout, en application de l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme (depuis 2016, article L. 111-6 du code de l’urbanisme), les servitudes publiques d’inconstructibilité frappent les parcelles restées au propriétaire et interdisent toute construction sur 75 mètres à partir de la route. Ainsi, sans être exproprié, Joseph perd aussi le droit de construire sur son bien : maison, atelier, garage… Il a saisi le juge de l’expropriation du dommage résultant de cette servitude. La cour d’appel a fait droit à sa demande, en sorte que l’administration devrait le dédommager pour la perte de certaines parcelles ainsi que pour la servitude légale imposée sur des parcelles restant sa propriété. Mais la Cour de cassation va censurer cette décision, sur le problème de la compétence. L’article L. 160-5 du code de l’urbanisme (depuis 2016, article L. 105-1 du code de l’urbanisme) dispose expressément que l’indemnisation de la servitude légale doit être jugée par la juridiction administrative. Ce n’est que la privation de propriété qui est fixée par la juridiction civile, c’est-à-dire « le juge de l’expropriation ». Donc, dira la Cour suprême, c’est à tort que la cour d’appel s’est déclarée compétente pour indemniser tant la perte de propriété que de la création d’une servitude légale. Elle estimait que la création d’une expropriation favorisant la circulation était la cause directe de l’inconstructibilité… Il était inévitable que la cour d’appel soit censurée. Comment a-t-elle pu statuer ainsi, alors que l’article L. 160-5 du code de l’urbanisme légiférait en la matière ? Elle avait oublié un principe fondamental résultant du droit administratif.
Épilogue. L’incompétence affirmée par le code de l’urbanisme est une mesure d’intérêt général destinée à s’opposer à la prolifération des constructions au voisinage des ouvrages publics. Exemple flagrant : le viaduc de Millau, ouvrage essentiellement public, qui a imposé aux propriétaires les mêmes restrictions de compétence que dans la présente affaire. Joseph est ici privé d’une partie essentielle de son droit de propriété. Même s’il reste juridiquement propriétaire, il pouvait être soutenu que son usage était restreint du fait de l’expropriation.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :