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Travail de nuit, travail de jour Travail de nuit, travail de jour

Le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit modifie une condition du contrat de travail. La demande de l’employeur doit donc être acceptée par le salarié, sous peine de constituer un manquement rendant impossible la poursuite du contrat.

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L’histoire : Les enfants émigrant vers la ville, la famille ne suffit plus à assurer les travaux de la ferme. Ce sont les ouvriers agricoles qui prennent le relais. Telle était la situation de Cyrille, propriétaire exploitant. En 2003, il avait engagé Alexandre comme ouvrier. Il s’agissait d’une exploitation viticole et le salarié assurait la taille de la vigne, ainsi que le traitement contre les maladies. Pendant six ans, de 7 heures du matin à 15 heures, Alexandre ne rechignait pas à l’ouvrage. Sur la propriété de Cyrille, outre la culture de la vigne, on vinifiait dans des installations quelque peu surannées. Il fallait donc être présent dans la cave nuit et jour, pour surveiller la fermentation et la vinification des raisins récoltés, ainsi que la conservation des récoltes antérieures. Alexandre a été convoqué par le patron pour s’entendre dire qu’il assurerait l’emploi nécessaire. L’ouvrier n’était pas d’accord, car il voulait être chez lui le soir avec sa famille. Cyrille l’a alors menacé de licenciement. Dans ces conditions, Alexandre a saisi le conseil des prud’hommes.

 

Le contentieux : Le conseil choisi par Alexandre connaissait son affaire. Il soutenait que passer du travail de jour au travail de nuit équivalait à un licenciement sans cause et justifiait des dommages-intérêts. Le conseil des prud’hommes avait fait droit à cette demande, en se fondant sur l’article L. 3122-29 du code du travail. Celui-ci prescrit qu’entre 21 heures à 6 heures du matin, l’ouvrage est considéré comme du travail de nuit et doit être rémunéré en conséquence. Le patron a formulé appel et l’affaire est venue devant une cour qui a rejeté la demande de l’ouvrier. La cour d’appel soutenait que modifier les horaires de travail ne modifiait pas le contrat et ne remettait pas en cause le temps de travail. Elle en concluait que rien n’était changé dans la situation de l’ouvrier. La mesure prise par l’employeur sur la modification du temps de travail n’étant pas modifiée, la demande d’Alexandre devait être rejetée. On a soumis l’arrêt à la Cour de cassation. Sa critique s’est fondée d’abord sur les articles L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil. Selon elle, le passage d’un horaire de jour à un horaire de nuit modifie une condition du contrat de travail et doit être accepté par le salarié. Or il est établi que le travail avant 6 heures du matin, comme en l’espèce, est considéré comme travail de nuit. La Cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel, en ce qu’il déboutait Alexandre de sa demande, « tendant à ce que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse par l’employeur ».

 

L’épilogue : La cassation a porté seulement sur le rejet de la prétention du salarié de voir considérer la décision patronale comme une cause de licenciement. Par la suite, la direction n’est pas perdante : ou l’ouvrier accepte le travail de nuit comme demandé par l’employeur, ou il s’en va. Et dans ce dernier cas, c’est lui qui rompt le contrat de travail. Dans un monde capitaliste, c’est à peu près le schéma à attendre... Est-il concevable qu’une telle solution soit envisagée, malgré les principes fondamentaux soulevés ? Pour donner à la motivation un caractère licite, il faudrait démontrer que le nouveau travail proposé est moins pénible que celui de jour, et mieux rémunéré.

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