La Coordination rurale fait une percée aux chambres d’agriculture
Les premiers résultats des élections aux chambres d’agriculture semblent confirmer une percée de la Coordination rurale (CR) dans un paysage toujours dominé par l’alliance majoritaire FNSEA-JA, selon des données provisoires émanant des préfectures, des chambres d’agricultures et des syndicats.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Dès la fin de journée, ce jeudi 6 février 2025, les « bonnets jaunes » de la Coordination rurale revendiquaient une majorité de sièges dans au moins dix chambres. Vers 18 h 30, le syndicat voyait déjà « basculer au moins sept chambres », tout en conservant ses trois bastions : le Lot-et-Garonne, la Vienne et la Haute-Vienne. « Et ce n’est pas fini, on attend d’autres résultats », a déclaré à l’AFP son porte-parole Patrick Legras.
L’alliance de la FNSEA et JA reste majoritaire
Vers 22 h 20, quatorze départements viraient en jaune : le Cher, le Loir-et-Cher, l’Indre et Loire, la Vienne, la Haute-Vienne, la Charente, la Charente-Maritime, la Gironde, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, le Gers, la Lozère, le Tarn et les Ardennes. La Confédération paysanne a décroché l’Ardèche. La liste « Unis pour notre avenir » remportait la Haute-Garonne, et l’Ariège allait à celle de « Libre pour cultiver notre avenir ». 13 départements restaient à dépouiller, les autres tombant dans l’escarcelle de l’alliance de la FNSEA et JA.
« Nous prenons acte du recul des listes FNSEA et JA et du basculement d’une quinzaine de chambres », a déclaré Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA au soir de la publication des premiers résultats. Mais sur 83 chambres dont les résultats sont tombés plus de 80 % restent aux mains de la FNSEA et JA, assurent les deux syndicats.
« La démocratie s’est exprimée, nous adressons tous nos vœux de pleine réussite aux nouveaux élus, a lancé Arnaud Rousseau tout en insistant sur le fait que la FNSEA et JA restent le corps intermédiaire incontournable. Cela ne changera rien sur l’ADN, on continue d’être dans la construction de solutions car on ne construit pas sur la colère. »
Ce recul, Arnaud Rousseau l’explique « par la montée de la colère ». « La réalité de la colère s’est aussi exprimée dans l’absence de réponse qui est le fait des pouvoirs publics, estime Arnaud Rousseau. Ce qu’on voit, c’est que ce sont des départements qualifiés de zone intermédiaire, de l’axe qui part de lesquels la crise frappe de plein fouet. Très clairement aujourd’hui le niveau d’attente reste très élevé, on l’a dit quand il s’agit du budget, quand il s’agit des textes en attente. »
« Les agriculteurs […] ont fait leur choix »
En Gironde, la Coordination rurale revendique la victoire avec six voix d’écart avec la liste FNSEA-JA. Le président de la FDSEA, Jean Samuel Eynard, accusait le coup : « Les agriculteurs de la Gironde ont fait leur choix… Nous avons 3 élus », contre 12 à la Coordination rurale du fait du mode de scrutin favorisant la liste arrivée en tête.
Dans un communiqué de presse diffusé sur son compte X (anciennement Twitter), la Coordination rurale revendiquait « une victoire historique. […] La liste FNSEA/JA passe en dessous de la barre des 50 %. La Coordination rurale devient le premier syndicat représentatif à l’échelle nationale. Les politiques menées en cogestion depuis plus de 30 ans sont terminées. » Sur son fil WhatsApp, le ministère de l’Agriculture jugeait qu’il était encore trop tôt pour confirmer cette affirmation.
En Haute-Garonne, c’est la liste indépendante soutenue par Jérôme Bayle, figure du mouvement de protestation au début de 2024, qui s’est imposée devant l’alliance majoritaire sortante, selon les résultats de la préfecture. « Le monde agricole a besoin de changement. On veut casser le système. Il y a une fracture entre le terrain et le syndicalisme. Nous sommes une région oubliée, on ne se sentait plus représentés », a déclaré Jérôme Bayle, éleveur dans ce département durement frappé par la sécheresse et les maladies animales.
La Confédération paysanne s’impose en Ardèche
La Confédération paysanne, syndicat qui plaide pour une « réelle transition agroécologique », pourrait s’imposer en Ardèche, selon les résultats provisoires publiés par les chambres. S’il est encore trop tôt pour avoir une vision nationale du scrutin, il semble que dans de nombreux départements où les listes FNSEA-JA sont en tête, elles recueillent moins de suffrages que lors du précédent scrutin en 2019.
Il y a six ans, moins d’un agriculteur sur deux avait voté et l’alliance FNSEA-JA avait vu son hégémonie confortée. Cette dernière s’était retrouvée, avec 55,55 % des voix, à la tête de 97 chambres sur 101, tandis que la Coordination rurale (21,5 % des suffrages) détenait trois chambres. Avec 20 % des voix, la Confédération paysanne n’en avait qu’une, Mayotte, qu’elle conserve pour le moment, le scrutin y ayant été reporté après le cyclone Chido.
Quelque 2,2 millions d’électeurs, dont près de 400 000 chefs d’exploitation mais aussi des retraités, salariés ou propriétaires fonciers, étaient appelés à élire leurs représentants — par voie électronique ou postale — du 15 au 31 janvier 2025. Les opérations de dépouillement ont débuté jeudi dans la plupart des départements, mais certaines préfectures, notamment en Corse ou dans le Cantal, ne proclameront les résultats que vendredi.
Le ministère de l’Agriculture communiquera des résultats une fois l’ensemble des résultats départementaux proclamés, pas avant vendredi, voire samedi. Dans la dernière ligne droite de la campagne, les syndicats ont tous dénoncé des « dysfonctionnements » voire des « irrégularités », laissant présager de nombreux recours.
Satisfecit mesuré à la Confédération paysanne
Dans un scrutin qui voit la Confédération paysanne ne remporter que les chambres de l’Ardèche en métropole et de Guyane, le syndicat et sa porte-parole Laurence Marandola ont retenu le positif lors de leur conférence de presse le 7 février 2025. « Nous avons gagné en représentativité dans la moitié des départements avec une très forte progression dans une douzaine d’entre eux », observe l’éleveuse. « Près d’un agriculteur sur cinq s’est exprimé pour le seul projet alternatif à l’agriculture productiviste ». Reste que dans ce « contexte difficile sur le terrain », la Conf’ profite peu du recul du syndicat majoritaire comparé à la Coordination rurale.
« La Coordination rurale a instrumentalisé la crise agricole en désignant des boucs émissaires et en reprenant des notions lancées par la FNSEA comme l’agribashing, le tout sans propositions », juge Laurence Marandola. Alors qu’il avait alerté sur la difficulté d’accès au matériel de vote dans certains départements, le syndicat n’écarte pas des éventuels recours et vise plus globalement le mode de scrutin. « Il faudra remettre à plat le système de gouvernance » avertit la syndicaliste.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :