Login

Aricle 2. Pédale douce sur les protéines

L’objectif est de juguler la baisse de la teneur en protéines des orges sans dépasser le taux maximum indiqué dans le cahier des charges des malteurs et des brasseurs.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Même si la récolte 2016 a démontré le contraire (les rendements catastrophiques ont concentré la protéine dans les grains), la filière brassicole alerte depuis plusieurs années sur l’effritement des taux de protéines dans les orges, avec régulièrement des valeurs proches de 10 %, voire en dessous. Alors que l’idéal est de rester en moyenne à 10,5 %, soit une fourchette de 10 à 11 % chez les collecteurs. Il n’en faut donc pas trop, mais trop peu n’est pas bien non plus. Pas simple !

Des teneurs précises

Les protéines de l’orge, au même titre que le calibrage et l’énergie germinative, sont très importantes dans le procédé de fabrication et la qualité du malt. Les réserves nutritives du malt, qui proviennent à 95 % des protéines de l’orge, favorisent la croissance des levures au cours de la fermentation pour fabriquer la bière. Si ces réserves ne sont pas suffisantes, le procédé fonctionne mal et la qualité du malt s’en ressent, avec des conséquences sur le brassage et la composition de la bière. « Avec une orge à faible teneur en protéines, le malt peut être « surdésagrégé » et la mouture trop fine, entraînant une perte de rentabilité lors du brassage », explique-t-on à l’IFBM (1). Les protéines du malt ont aussi un rôle dans la bonne tenue de la mousse.

« Une moyenne de 10,5 % de protéines dans les orges répond à la majorité des cahiers des charges et aux différents modes d’utilisation du malt à travers le monde, assure Jean-Philippe Jelu, des Malteries Soufflet. Et donc de rester compétitif qualitativement par rapport à une offre concurrentielle mondiale. Si l’orge française ne sait plus faire demain ce qu’elle maîtrise depuis de nombreuses années, nos clients à travers le monde pourraient chercher ailleurs. »

Pour Stefan Renoux, de Malteurop, l’important est de disposer de lots homogènes, notamment en termes de protéines. « Nous maltons des variétés pures avec des qualités les plus homogènes possible », explique-t-il. Les spécifications des brasseurs sont donc très précises en termes de teneur en protéines totales. Avec une orge à 9 % ou 12,5 % de protéines, impossible d’y répondre. L’enjeu est donc de taille.

Retour en arrière

« Historiquement, les orges en contenaient trop, avec à la clé des malus car le cahier des charges n’était pas respecté », explique Florent Cornut, responsable développement chez Secobra Recherches. Le message a été de dire aux obtenteurs et agriculteurs qu’il ne fallait pas dépasser le taux de 11,5 %. Les sélectionneurs ont tiré ce critère vers le bas car les variétés avec trop de protéines étaient pénalisées lors de l’inscription. Mais l’objectif initial a été rempli au-delà des espérances et on arrive à la tendance inverse. Tout le monde tire donc la sonnette d’alarme et demande « un retour en arrière ». Désormais, le malus sur les variétés contenant trop de protéines a été supprimé.

En plus de la variété, d’autres facteurs jouent un rôle sur la teneur en protéines, comme les conditions pédoclimatiques de l’année et la fertilisation. Le bilan azoté est calculé en fonction du potentiel de rendement (moyenne olympique). Mais l’innovation variétale en orge brassicole a permis, ces quatre dernières années, des gains de productivité très significatifs. Or, pour le calcul de la dose prévisionnelle, on se base sur des valeurs de rendement anciennes, donc plus faibles. Et les pratiques de fertilisation, parcimonieuses et encadrées par la réglementation, n’ont pas accompagné ce besoin supplémentaire d’azote.

Ce qui conduit à une sous-fertilisation des orges, avec un effet de dilution des protéines en lien avec les rendements élevés, et ce malgré une efficience supérieure des nouvelles variétés vis-à-vis de l’azote apporté. Les orges produites se révèlent donc moins adaptées au marché. Face à la situation, tous prônent le pilotage de l’azote pour détecter les situations de carence en azote, tout en évitant les excès (lire l’encadré).

Groupe de travail

Pour autant, pas question de retomber dans les anciens travers, avec des taux de protéines trop élevés. L’idée est désormais de travailler sur la valorisation de l’azote par les orges pour stabiliser la teneur en protéines entre 10 et 11 %, tout en conservant le travail effectué en génétique pour augmenter les rendements. Un groupe de travail, piloté par le Géves (2) et associant Arvalis, les obtenteurs et les malteurs, a été mis en place. « L’un des objectifs est de voir si on peut caractériser le potentiel variétal à faire des protéines », explique Florent Cornut. Autrement dit, en fonction de l’azote apporté, quelle est la capacité d’absorption des variétés et comment cela se transforme en rendement.

Dans le cadre des essais d’inscription des variétés au CTPS (3), la dose d’azote apportée n’est plus adaptée aux variétés productives qui composent la sole d’aujourd’hui. « Les essais sont sous-fertilisés, notamment pour éviter le risque de verse, confirme Louis-Marin Bossuet, du Géves. Et le gain de rendement obtenu avec le progrès génétique est probablement sous-estimé. Nous allons donc travailler sur la gestion du réseau d’expérimentation et mettre moins de freins sur l’azote. La difficulté en orge est qu’on vise une fenêtre étroite en protéines et il existe de nombreuses interactions pour la valorisation de l’azote. » Le but étant de mieux connaître le comportement des variétés, de les distinguer les unes des autres sur les aspects azote et protéines. Arvalis réalise parallèlement des essais croisant différentes variétés et doses d’azote, comme ce qui a été fait en blé.

(1) Institut français des boissons, de la brasserie et de la malterie.

(2) Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences.

(3) Comité technique permanent de la sélection.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement