À Mayotte et à La Réunion, les agriculteurs peinent à se remettre des cyclones
À Mayotte, le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, a ravagé l’île. Deux mois plus tard, le 28 février 2025, La Réunion, faisait face au cyclone Garance et ses vents à plus de 200 km/h. Sur les deux îles, les agriculteurs souffrent toujours de ces catastrophes naturelles. Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, s’est rendu sur place la semaine dernière pour voir où en était la situation.
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« Mayotte se rebâtit doucement, les premières productions sont là mais l’accès aux exploitations et à l’eau reste compliqué », raconte Jérôme Despey, premier vice-président de la FNSEA. La semaine dernière, celui qui est aussi président de la chambre d’agriculture de l’Hérault, s’est rendu sur l’île accompagné d’Arnaud Rousseau pour constater, près de six mois plus tard, les difficultés des agriculteurs mahorais.
Près de 300 millions de pertes estimées
Selon la chambre de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam), les pertes liées au cyclone Chido sont estimées à 296,3 millions d’euros : 154,2 millions d’euros de perte de production et 142,1 millions de pertes de fonds, incluant le coût de replantation d’infrastructures pérennes et celui des infrastructures agricoles détruites.
« 90 % de ma production est dévastée », atteste Issouffou Toioussi, agriculteur mahorais spécialisé dans le maraîchage. Sur son exploitation, un hangar de 108 mètres carrés lui permettait de stocker l’eau de pluie. Mais l’installation n’a pas tenu aux rafales de Chido qui ont atteint jusqu’à 250 km/h. Aujourd’hui, il a commencé à replanter « du bissap, de la ciboulette et du cresson » mais faute d’eau, et alors que la saison sèche débute sur l’île, il devient impossible de pérenniser les cultures.
Afin de reconstituer sa trésorerie, il a décidé de trouver un autre emploi. « Grâce à mon oncle, j’ai trouvé un peu de travail, je fais du gardiennage, des choses comme ça », explique-t-il. Il y a trois semaines, il a reçu 4 300 euros d’aide, allouée exceptionnellement par l’État pour répondre à la crise. « Si je remets le bâtiment, les 4 300 euros sont partis et je dois encore racheter le matériel et les semences », déplore-t-il. Lui s’estime donc heureux d’avoir une autre activité. « J’essaie de ne pas compter sur les aides. Si je les attends, je ne peux pas avancer. L’agriculteur mahorais, il est obligé de se débrouiller seul », grince-t-il.
Au total à Mayotte, 15 millions d’euros d’aide d’urgence ont été débloqués, le 10 février 2025, pris sur le budget opérationnel des programmes du ministère des Outre-mer. Pourtant sur l’île, « on attend toujours de nombreux paiements », reconnaît Saïd Anthoumany, président de la Capam. Alors, « les agriculteurs ont pris les choses en main », poursuit-il. « Certains ont commandé des bâches qui commencent à arriver, ils reconstruisent les bâtiments d’élevage. Le problème c’est que nos bâtiments ce sont des tôles avec du bois et des grillages. On avait demandé à reconstruire des bâtiments résistants aux cyclones », regrette-t-il.
Situation similaire à la Réunion
À La Réunion aussi, la colère des agriculteurs monte. Le cyclone Garance a engendré 163 millions d’euros de pertes, selon la chambre de l’agriculture. En visite sur l’île, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, a annoncé le 7 mars, une aide exceptionnelle de 15 millions d’euros en soutien aux agriculteurs, sans que plus de précisions n’aient été données. De son côté, le département a assuré apporter la même somme pour aider l’agriculture locale. « On nous a promis beaucoup d’accompagnements mais on est toujours dans l’attente », grince Stéphane Sarnon, président de la FDSEA de La Réunion.
Comme à Mayotte, s’ajoutent à ces subventions exceptionnelles, le fonds de secours pour l'Outre-mer (FSOM), compris chaque année dans le budget de l’État, mais dont le mode d’attribution est critiqué. « Pour y avoir accès, les pertes doivent représenter plus de 25 % de la production moyenne et 13 % du chiffre d’affaires moyen des cinq dernières années », explique Olivier Fontaine, président de la chambre d’agriculture de l’île. L’indemnisation s’élève ensuite à 30 % des pertes. « Si on est au maximum à 10 millions, c’est bien le diable. Nous, ce qu’on voudrait c’est que ce soit plutôt une aide forfaitaire, calculée selon la production brute standard », développe-t-il.
À un mois du début de la récolte de la canne à sucre, la pression monte, d’autant que cette culture représente la moitié de la superficie agricole utilisée et est la principale source d’emploi de l’agriculture réunionnaise. Cette année, il devrait y avoir entre 700 000 et 750 000 tonnes de cannes récoltées, contre 1,5 million de tonnes l’an dernier. Le manque à gagner se chiffrerait à 50 millions d’euros pour les planteurs et 30 millions pour l’industrie de la filière. « On a déjà subi le cyclone Belal l’an dernier, une sécheresse très importante et maintenant Garance, ça devient très compliqué, on manque de trésorerie pour relancer la production sur l’île », s’indigne Stéphane Sarnon. Il prévient : si rien ne bouge d’ici à deux semaines, le syndicat pourrait lancer un appel à la manifestation.
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