Marché des grains Les céréales de nouveau sous la coupe de l’euro
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Baisse cette semaine sur le marché français des céréales à la suite de la remontée de l’euro alors que le colza réussit à bénéficier de la tendance haussière du soja américain. Rebond toutefois en blé à la fin de la semaine.
Blé : les prix repartent à la hausse mais l’euro pèse
Au début de la semaine, les prix du blé français ont continué sur la lancée baissière de la semaine dernière avant d’amorcer un rebond après le 20 juillet. Malgré ce petit rebond, les cotations restent inférieures à celles de vendredi dernier (–1,5 €/t pour l’échéance de septembre d’Euronext, à 183,5 €/t à la mi-journée, –2,5 €/t rendu Rouen, à 184,25 €/t en base juillet). L’euro continue en effet de comprimer les prix européens. Il a encore grimpé cette semaine face au dollar à la suite du vote du budget et du plan de relance européen au début de la semaine ; en parallèle, la politique de la banque fédérale aux États-Unis (USA) continue de pousser le dollar vers le bas.
Globalement, le marché français est plutôt dans une situation d’attente : attente de mieux cerner la taille de la récolte française (71 % des surfaces étaient récoltées au 20 juillet, selon CéréObs) qui risque encore d’être revue à la baisse à cause d’une surface récoltée extrêmement basse ; attente de connaître aussi le fin mot concernant la récolte de la mer Noire alors que la situation demeure sèche et chaude en Ukraine et en Russie et que les blés de printemps ont besoin d’humidité dans cette région du monde. La situation reste sèche aussi dans le nord et le centre de l’Argentine : si ce temps se maintient, ce sera inquiétant pour les plants de blé qui commencent tout juste à pousser. Cette situation devra être suivie de près alors que les surfaces semées en Argentine n’ont déjà pas atteint les intentions initiales à cause du temps sec. Pour refléter les dégradations de récolte dans l’UE, dans la zone de la mer Noire et en Amérique, l’IGC (Institut mondial des grains) a, comme attendu, revu son estimation mondiale de la production de blé à la baisse.
Dans ce contexte, peu de pression à la vente sur le marché français d’autant plus que les blés français sont aujourd’hui peu compétitifs. Ils valent presque 10 $/t de plus que les blés russes à 12,5 % de protéines et 15 $/t de plus que les blés ukrainiens à 11,5 % de protéines. Les blés français sont légèrement plus chers aussi que les blés allemands ou baltes à 12,5 % de protéines.
L’Égypte encore aux achats cette semaine en blé
Le marché mondial est actif pourtant : le Gasc égyptien est encore revenu aux achats cette semaine pour 115 000 tonnes de blé ukrainien qui seront chargées entre le 21 et 31 août. Le prix moyen d’achat, entre 224 et 227 $/t à destination, est resté proche de celui de la semaine dernière.
Toutes les offres portaient sur des blés russes ou ukrainiens. Jusqu’à maintenant, le Gasc a acheté au total 939 000 tonnes de blé pour livraison en nouvelle campagne, un niveau assez proche des achats de l’an dernier à la même date (1,07 million de tonnes). Le Pakistan, de son côté, a acheté 300 000 tonnes de blé russe depuis juin pour des chargements sur le troisième trimestre de la campagne et annonce d’autres achats à venir ; la Jordanie a contracté 60 000 tonnes de blé en origine optionnelle. D’autres pays ont acheté aussi comme Taïwan et la Corée même si la Thaïlande a refusé les offres qui lui ont été faites. La Chine, quant à elle, est en train d’importer bon train et des bateaux sont en chargement actuellement à Rouen (60 000 tonnes) et Dunkerque (un peu plus de 40 000 tonnes) pour cette destination.
Sans que cela ait un impact à court terme sur les prix, il est intéressant de noter le changement à l’œuvre en Arabie Saoudite où l’office d’État, la Sago, vent actuellement tous ses moulins au secteur privé. Cette semaine, l’organisme a annoncé que les moulins en question pourront assurer eux-mêmes leurs achats de blé et s’approvisionner soit directement sur le marché mondial, soit auprès de la Sago qui continuera d’importer certains volumes.
Les orges fourragères s’affaissent encore
Contrairement au cas du blé, le prix de l’orge fourragère a poursuivi sa baisse cette semaine, abandonnant entre 1 et 1,5 €/t selon les places (à 161,75 €/t rendu Rouen, base : juillet). C’est l’euro qui pèse sur les prix mais l’ampleur des chargements en cours à destination de la Chine est venue limiter la chute. Avec près de 300 000 tonnes chargées ou prévues entre le 21 et le 29 juillet 2020, ces expéditions demeurent très élevées au départ de Rouen, Dunkerque et La Pallice. Néanmoins, comme on le soulignait déjà la semaine dernière, l’Ukraine est en train de monter en puissance à partir d’août vers la Chine. Cela a encore tiré les prix ukrainiens vers le haut au cours de la semaine si bien que l’écart de prix entre les orges françaises et les orges ukrainiennes est devenu quasi nul. Attention toutefois à ce relais : si les chargements ukrainiens montent en puissance, ceux de la France pourraient en souffrir en partie. L’Arabie a animé le marché cette semaine en achetant 725 000 tonnes d’orge optionnelle à un prix de 211 $/t à l’arrivée ; ce prix suggère que l’origine sera plutôt la mer Noire au détriment de l’UE vu le différentiel de coût de transport entre les deux origines.
La récolte des orges d’hiver est terminée en France et se poursuit en Europe : elle sera nettement inférieure à celle de l’an passé (–3 millions de tonnes, à 29,5 millions de tonnes) à cause des chutes française et anglaise qui ne seront pas compensées par le bond de la récolte espagnole. En revanche, la récolte d’orge de printemps est en cours (37 % des surfaces récoltées en France au 20 juillet, selon CéréObs, contre 56 % l’an dernier à la même date) ; à l’échelle de l’UE, la production des orges de printemps va, au contraire, fortement augmenter (de presque 5 millions de tonnes, à 34,6 millions de tonnes) grâce à la hausse des surfaces. Cette situation va conduire à des surplus importants d’orge de brasserie de printemps qui finiront aussi par peser sur la situation des orges fourragères. Les prix brassicoles sont restés stables cette semaine à 170 et 175 €/t Fob Creil pour les variétés d’hiver et de printemps respectivement.
Affaissement du maïs nouvelle récolte
En maïs, les prix de l’ancienne récolte ont peu bougé cette semaine mais ceux de la nouvelle se sont affaissés de presque 4 €/t sur la façade atlantique (à 161,25 €/t Fob Bordeaux, base juillet).
La hausse de l’euro face au dollar explique en partie ce retrait des prix en euros. CéréObs a revu à la baisse cette semaine d’un point la part des maïs français en bonnes et excellentes conditions, à 81 % ; la situation est néanmoins bien meilleure que celle de l’an dernier à la même date (67 %).
Outre Atlantique, les conditions de développement sont bonnes pour les maïs US dont le prix reste soutenu toutefois à cause des ventes très importantes de maïs US à la Chine. En parallèle de contrats portant sur du soja (et sur du blé et de l’orge), la Chine, en effet, est en train d’acheter de grosses quantités de maïs si bien qu’elle honorera probablement les engagements d’importation qu’elle a pris auprès de l’OMC.
Ces gros achats ont probablement plusieurs explications : la volonté de constituer des réserves en situation incertaine due à la pandémie, la reprise de l’activité porcine, des surfaces semées moins élevées que prévu, la tension à nouveau grandissante avec les USA qui peut pousser la Chine faire des achats de protection. En tout cas, ces achats exercent un soutien sur les prix que ce soit en Amérique du Nord, du Sud ou en Ukraine (+1 à 5 $/t selon les régions). L’Europe n’en profite pas à cause de ses bonnes perspectives de récolte et d’un euro en hausse.
> À lire aussi : Budget de l’union, Les eurodéputés font de la résistance (24/07/2020)
Le contexte économique mondial et les nombreux achats chinois soutiennent le soja
Cette semaine, malgré un regain de tensions diplomatiques entre les États-Unis et la Chine, le prix du pétrole a grimpé de presque 1 %, à 41 $ le baril à New York. L’accord entre pays de l’Union européenne le mardi 21 juillet 2020 sur un plan de relance de l’économie du bloc a dans un premier temps redonné de l’optimisme aux acteurs des marchés sur les perspectives économiques à moyen terme. L’annonce par deux firmes pharmaceutiques différentes qu’un vaccin efficace contre le Covid-19 pourrait avoir été trouvé et entrait dans une phase de tests sur l’homme, a également ouvert des possibilités d’amélioration de consommation à moyen terme.
Dans le même temps, les importateurs chinois sont particulièrement actifs sur le soja depuis quelques jours. Les achats de soja US sur la nouvelle campagne (2020-21, qui démarre en octobre) et de fève sud-américaine atteignent des niveaux extrêmement élevés. La hausse progressive du cheptel porcin, qui se rétablit après l’épizootie de fièvre porcine africaine, et une volonté de se prémunir du risque de pénurie de soja (en cas de contexte diplomatique dégradé ou de nouvelles perturbations logistiques liées au Covid-19) sont fort probablement les principales raisons motivant les récents niveaux d’achats historiques de la part de la Chine. Dans ce contexte, le soja US a grimpé de 5 $/t sur l’échéance d’août 2020 à Chicago et de 3,3 $/t sur l’échéance de novembre.
Par ailleurs, les conditions de développement restent bonnes, voire très bonnes pour le soja dans les plaines du Midwest américain. Le temps humide et chaud contribue à un bon développement des plantes mais ce facteur n’a pas pesé sur les prix. Au Brésil, la forte demande à l’exportation de la Chine et la faible valeur du real brésilien face à la monnaie US par rapport à l’an passé soutiennent les prix du soja et la rentabilité de la culture pour les agriculteurs brésiliens. Nous prévoyons une hausse de 3 % des surfaces de soja chez le géant brésilien cet automne, pour une nouvelle récolte très abondante attendue au premier trimestre de 2021.
Le prix du tourteau de soja en France reste stable
En raison du renforcement de l’euro par rapport au dollar US cette semaine (à presque 1,16 contre 1,14 le mois dernier, faisant suite à la signature du plan de relance européen), la hausse des prix du soja US ne s’est pas répercutée sur les cotations du tourteau à Montoir. Il reste coté à 321 €/t. Le tourteau de soja à Chicago a lui augmenté de presque 4 $/t sur le rapproché par rapport à la semaine dernière.
Avec l’avancée des récoltes, le prix du pois fourrager départ Marne recule légèrement (–0,5 €/t, à 214,5 €/t). Cette baisse est de faible ampleur en raison des mauvais résultats des premiers retours de récolte, qui confirment une chute du rendement du pois en France cette année.
Les prix du colza et du tournesol grimpent
Alors que les stocks de FAME-10 (biodiesel produit à base d’huile de colza, compatible avec les températures fraîches de l’automne et de l’hiver) atteignent des niveaux relativement faibles, les prix de ce biodiesel sont remontés. Ainsi, les marges de production du biodiesel se sont améliorées. Cela résulte de la reprise progressive de la demande en carburants dans l’UE et de la hausse du prix du pétrole. En conséquence, les prix de l’huile de colza se sont appréciés dans l’UE, ce qui s’est reporté sur le prix des graines en France. L’huile de colza a par ailleurs bénéficié du soutien de l’huile de palme, dont les cotations sont en très nette hausse. Les très fortes précipitations, entraînant parfois des inondations, perturbent les récoltes en Indonésie et en Malaisie. La récolte des fruits des palmiers à huile est aussi compliquée en Malaisie par la difficulté à recruter des salariés dans les plantations. Ces dernières embauchent généralement des travailleurs venant d’autres pays asiatiques, mais leurs déplacements sont aujourd’hui empêchés par la fermeture des frontières, décidée à la suite de la crise sanitaire de la Covid-19. La production d’huile de palme du mois de juillet pourrait ainsi diminuer fortement dans ces deux pays par rapport à juin, ce qui conduirait à une réduction des stocks disponibles.
Le prix du colza dans l’UE est aussi influencé à la hausse par les mauvais résultats de récolte qui se confirment, notamment en France, au Royaume-Uni, et dans l’est de l’UE. Ainsi le colza gagne 3 €/t rendu Rouen et Fob Moselle sur la semaine. La hausse n’est pas de grande ampleur, freinée par la remontée de l’euro face au dollar US.
En Australie et au Canada, les conditions de développement sont globalement bonnes à très bonnes pour le canola. Quelques zones souffrent d’excès d’eau, soit au contraire de manque de pluies, ou bien d’attaques de maladies et d’insectes, mais cela reste minoritaire. De bonnes moissons sont pour le moment attendues à l’automne dans ces deux pays.
Pour le tournesol, les prix en France bénéficient du soutien des cours du soja et du colza, ainsi que du temps plutôt sec depuis le début de juillet. Les prévisions météorologiques pour les prochains jours ne sont pas très positives de ce point de vue. Cela accroît les craintes de stress hydrique pour ces cultures, qui se développaient jusqu’ici dans de très bonnes conditions en France. Le prix du tournesol oléique à Saint-Nazaire gagne 5 €/t cette semaine, et se place désormais à 350 €/t.
En mer Noire, le manque d’affaires pèse, quant à lui, sur les prix Fob, qui reculent de 5 $/t sur la semaine. Les conditions restent très bonnes pour le tournesol en Ukraine, mais sont beaucoup plus mitigées en Russie. Le sud du pays souffre d’un déficit de pluie qui affecte le potentiel du tournesol. La situation reste à suivre de près.
À suivre : résultat des récoltes et conditions climatiques de l’hémisphère Nord, climat dans l’hémisphère Sud, dynamique des achats chinois, relations diplomatiques entre la Chine et les États-Unis, prix du pétrole, évolution des parités entre monnaies.
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