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Champ ouvert pour les grandes cultures Champ ouvert pour les grandes cultures

Le secteur de la « chimie verte » se dynamise, bien qu’il manque de compétitivité face au pétrole.

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Blé, betterave, maïs, colza… Les grandes cultures sont des ressources qui peuvent être transformées par les bioraffineries en molécules d’intérêt pour le domaine de la chimie. Bioplastiques, résines pour la peinture, tensioactifs pour les produits détergents, revêtements, colles, cosmétiques… Les molécules obtenues « nourrissent toutes les branches de l’industrie, explique Marianne Flamary, déléguée générale de l’association Chimie du végétal. C’est un secteur dont on a beaucoup parlé dans les années 2007-2008, qui s’est construit dans un contexte de concurrence face à des prix du pétrole très haut. L’effondrement du prix du pétrole a rebattu les cartes et modifié l’environnement de la filière. » Elle explique que, comme toute innovation de rupture, les solutions ont besoin de plusieurs années pour s’installer. « Il a fallu que les technologies arrivent à maturité et changent d’échelle, avec parfois des déconvenues. Et surtout, qu’elles trouvent des business models qui ne répondent pas uniquement à l’enjeu de la raréfaction de la matière première fossile, même si cela reste un de ses atouts intrinsèques. » La chimie verte travaille à se rendre indépendante des variations du prix du pétrole. Pour l’heure, Marianne Flamary considère qu’autour de 60 à 70 $ le baril, un ordre de grandeur rencontré en 2018-2019, les acteurs de la chimie verte peuvent concurrencer la pétrochimie.

Accélération

Investissements industriels, levées de fonds, arrivée de nouveaux acteurs…, selon la déléguée générale, le secteur connaît « une vraie accélération » ces deux dernières années. Dans une étude (1) parue en juillet 2019, le cabinet Xerfi estime que le domaine connaîtra une hausse de chiffre d’affaires de 5 % en moyenne par an d’ici à 2022. Mais « la chimie du végétal en France s’apparentera encore, sur certains segments d’activité, à un marché de niche. Hors biocarburants, selon nos prévisions, elle représentera au mieux 12 % du chiffre d’affaires de l’ensemble de la branche chimie en 2022 », contre un peu plus de 10 % en 2018, souligne le cabinet. Dans le contexte actuel lié au coronavirus, ces projections sont bien sûr à prendre avec du recul. Xerfi indique également que « la compétitivité prix de la filière fera toujours défaut ».

Les biotech’ à l’œuvre

Meilleur profil toxicologique, utilisation de carbone renouvelable, relocalisation des activités dans les territoires… : la chimie du végétal souhaite faire valoir ses atouts, qui n’entrent pas en jeu lors du calcul du prix d’un produit (on parle d’externalité positive). Sur ce point, les évolutions de consommation vers plus de « naturalité » sont favorables au secteur, particulièrement en cosmétique. Mais le levier réglementaire est indéniablement celui qui a le plus d’impact. L’effet de l’interdiction des sacs en plastique à usage unique dans les commerces sur le plastique biosourcé (à base d’amidon) en est le parfait exemple.

Anti-UV A et B à partir de son de moutarde ou encore colorants extraits de tourteaux : « On est en train de découvrir des molécules aux propriétés vraiment intéressantes, souligne Grégoire Burgé, chargé de mission bioéconomie à AgroParisTech. Sur de nombreux marchés, on se rend compte de nouvelles potentialités. » Les biotechnologies, dont le développement est relativement récent, ouvrent des portes. « Aujourd’hui, on arrive à créer des micro-organismes pour qu’ils produisent une molécule à partir d’un coproduit qu’on a choisi », illustre Grégoire Burgé. Les coûts de production diminuent également grâce à d’autres avancées technologiques.

Valeur ajoutée

« La chimie du végétal ouvre des champs plus grands que la chimie du pétrole », déclare-t-il. Pour lui, c’est un secteur qui n’a pas été encore très exploré car en concurrence avec la pétrochimie qui est connue.

En France, les coopératives commencent à se saisir de la question. « Ces structures, comme La coopération agricole ou In Vivo, ont conscience qu’une des façons de créer plus de revenus pour les agriculteurs, c’est de valoriser les coproduits et de raisonner à l’échelle des filières », souligne Grégoire Burgé. « À court terme, ce sont très peu de volumes et beaucoup de valeur créée », résume Marianne Flamary. Elle soulève ici la question de la concurrence alimentaire, qui est, selon elle, « surtout posée par un certain nombre de détracteurs ». Elle estime que ce que l’on constate aujourd’hui, « c’est plutôt l’inverse : la chimie du végétal concourt à sécuriser des exploitations agricoles et donc les usages alimentaires ».

(1) « La chimie du végétal à l’horizon 2022 ».

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