Login

Favoriser la présence des abeilles en grandes cultures

Le colza s’autoféconde à 70 % ; ce sont les insectes pollinisateurs, les abeilles en particulier, qui finalisent la fécondation.

Pour booster l’activité des pollinisateurs, réduire l’exposition aux produits phytosanitaires et diversifier les cultures sont de premiers leviers d’action. On peut aussi miser sur les aménagements paysagers.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Entre agriculture et apiculture, loin des débats, il existe une convergence d’intérêt technique. « La biodiversité fonctionnelle joue un rôle important dans mon système agronomique : de fait, les abeilles et plus largement les insectes pollinisateurs m’intéressent », confirme Denis Colineau, installé sur 90 ha à La Pouëzen dans le Maine-et-Loire (1). 

En agriculture de conservation des sols, l’agriculteur a progressivement diversifié ses couverts végétaux et semé des bandes enherbées. Ce faisant, « il a créé de nouvelles ressources alimentaires pour les abeilles, relaye Nathalie Belzic, chargée de mission pour l'apiculture à la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Il en existe beaucoup d’autres et parmi elles, les bandes mellifères. »

Diversifier la ressource alimentaire

Cet aménagement est d’autant plus intéressant qu’il peut avoir un impact sur le rendement de la culture voisine ; notamment lorsqu’il s’agit de colza. « Nous l’avons constaté dans nos essais, sur dix ans », avance Christophe Guillon, du Négoce Hautbois (Mayenne). Précisément, l’entreprise a semé un mélange de huit espèces (sainfoin, trèfles violet, incarnat et de Perse, mélilot, phacélie, bourrache et sainfoin) sur les quatre côtés d’une parcelle d’essais et 1,50 mètre de largeur. Le mélange a été mis en place pour quatre ans ; il n’est pas fauché. « Les années défavorables aux abeilles — avec du vent et moins de lumière — on observe une stabilité des rendements. En année classique, une légère augmentation, de l’ordre de 4 %. »

Les abeilles collectent du nectar, du pollen et de l’eau dans un rayon de 1 à 5 km. (©  Anne Mabire/GFA)

Au-delà des cultures, l’environnement paysager joue également un rôle important dans la présence et l’activité des abeilles. « L’abeille domestique butine dans un rayon de un à cinq kilomètres autour de la ruche. Autrement dit, elle peut explorer jusqu’à 7 850 ha », rappelle Nathalie Belzic. Dans ce périmètre, l’insecte cherche de l’eau, du nectar — qui sera transformé en miel — et du pollen pour nourrir les larves.

« L’abeille a des besoins alimentaires douze mois sur douze, avec un pic autour d’avril pour nourrir le couvain (2). » Dans ce contexte, la présence de mares, de bosquets, d’arbres isolés ou de haies sont autant d’atouts. Les haies en particulier, « mais à condition qu’elles soient composées de différentes essences de manière à assurer une succession florale, complète Quentin Vieron, conseiller en bois bocage à la chambre d’agriculture de la Mayenne. Elles doivent idéalement comporter des essences qui — comme le noisetier, le saule, l’aulne ou encore le cornouiller — apportent une alimentation de grande qualité. »

Limiter l’exposition aux phytos

Pour que la convergence technique entre agriculture et apiculture s’exprime, il faut aussi réduire l’exposition des abeilles aux phytosanitaires. Concrètement par exemple, réaliser les traitements après le coucher du soleil ; lorsque les butineuses sont rentrées dans la ruche.

À Saint-Fort, en Mayenne, la chambre d’agriculture a voulu aller plus loin. De 2018 à 2022, elle a évalué les performances de deux systèmes culturaux. L’un avec une rotation sur quatre ans « colza, blé, maïs ensilage, blé » et une gestion « raisonnée » des bioagresseurs. L’autre visant à réduire fortement l’usage des intrants ; des phytos en particulier avec un objectif de –50 % d’IFT (3) par rapport au système de référence et de –70 % par rapport à la référence régionale. « Dans ce système, nous avons combiné différents leviers. Nous avons notamment allongé (10 ans) et diversifié la rotation », précise Aline Vandewalle, conseillère en productions végétales à la chambre régionale d’agriculture des Pays de la Loire.

À l’heure des résultats, ce système diversifié démontre sa performance environnementale, profitable aux pollinisateurs et plus largement à la faune et la flore, avec une baisse de l’IFT total de 75 % (–79 % pour les herbicides). Toutefois, le bilan global est lui en demi-teinte. En particulier sur le plan économique, avec une baisse de la marge brute/ha (–12 %), et sur le plan social avec une nette augmentation du temps de travail (+23 %).

(1) Denis Colineau a témoigné de son expérience lors de la journée « Agriculture et Apiculture » à Saint-Fort (Mayenne) le 20 mai 2025.

(2) Ensemble des œufs, larves et nymphes en développement dans la ruche.

(3) Indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement