Aricle Favoriser les habitats semi-naturels pour réguler les bioagresseurs
Haies, bandes enherbées diversifiées... sont très intéressantes pour accueillir les prédateurs et les parasitoïdes.
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Les motivations ne manquent pas pour rendre le milieu plus attractif aux auxiliaires des cultures : nombre de spécialités phytosanitaires qui tend à se restreindre, certains bioagresseurs résistants aux matières actives, pression sociétale ou envie de limiter l’emploi des insecticides et de travailler différemment.
Or, les études ont démontré que 90 % d’entre eux ont besoin de sortir des parcelles pour effectuer une partie de leur cycle. Il faut donc aménager le parcellaire pour rendre le milieu moins favorable aux ravageurs mais plus attractif aux auxiliaires, à l’aide de haies, bandes fleuries, arbres morts, tas de pierres, mares, même nichoirs. La biodiversité fonctionnelle sera alors présente en permanence et agira plus rapidement en cas d’apparition de ravageurs.
Besoin de s’abriter
S’il existe une multitude d’auxiliaires, nous nous intéresserons ici principalement aux deux groupes d’arthropodes qui coexistent dans l’environnement.
La catégorie des rampants, ou épigés, comporte notamment les carabes, staphylins et certaines araignées. Elle a besoin de couverts végétaux, de bandes enherbées à proximité des parcelles. Ainsi, il est admis que les carabes, qui sont, entre autres, prédateurs de limaces, s’abritent en journée dans les infrastructures entourant les champs et qu’ils peuvent la nuit pénétrer à l’intérieur des parcelles jusqu’à 75-80 mètres. C’est pourquoi il est généralement conseillé pour maintenir leur activité d’avoir des parcelles de 150 m de large. En revanche, si on ne travaille pas le sol et qu’il y a présence de mulch en surface, cela crée également un refuge dans le champ.
Diversifier les espèces
Pour les auxiliaires aériens, il est important qu’ils aient à disposition des fleurs, les adultes se nourrissant souvent de nectar et de pollen. C’est le cas notamment des syrphes, chrysopes, tachinaires (mouches parasitoïdes), micro-hyménoptères parasitoïdes. Mais aussi des sphécidés, ces « guêpes » prédatrices (notamment de pucerons pour leurs larves), dont l’intérêt a été démontré depuis peu sur grandes cultures.
Cela nécessite d’avoir des plantes en fleurs une grande partie de l’année dans les cultures, mais aussi autour, dans les haies, les bandes enherbées ou fleuries… Attention toutefois à varier les familles au sein des mélanges d’espèces. Une proportion importante de légumineuses ne sera intéressante que pour un nombre limité d’insectes, tels que les abeilles et les bourdons.
À l’inverse, les ombellifères (panais, carotte…), astéracées (achillée millefeuille, chrysanthème des moissons…) ou polygonacées, telles que le sarrasin, ont peu ou pas de pétales ou des corolles très ouvertes. Elles seront davantage adaptées aux prédateurs et parasitoïdes. « Il existe un éventail de possibilités, notamment sur les zones non traitées en bordure de cours d’eau, dans les fourrières…, qui ne demandent pas forcément de gros investissements », juge Véronique Sarthou, consultante en agroécologie et entomologiste.
Pour la composition des haies, les conifères abritent très peu d’auxiliaires, le rosier est souvent un hôte primaire du puceron des céréales, le prunier celui du puceron vert du pêcher (polyphage) et la viorne obier ou le fusain d’Europe sont des hôtes l’hiver du puceron noir de la fève, etc. Il convient donc d’être vigilant quant au choix des essences.
Laisser fleurir
Éric Lartigue, agriculteur à Lataule, dans l’Oise, qui s’est récemment lancé dans la production de poires biologiques, en a fait l’expérience. Accompagné par l’entomologiste Johanna Villenave-Chasset et par son technicien, ils ont décidé de retirer la haie d’aubépine, hôte d’Agrilus, qui posait un problème chez lui. Ils ont implanté à la place des essences locales diversifiées, non-hôtes des ravageurs de ses cultures, permettant un développement plus rapide des auxiliaires .
En complément, le mode de gestion des bandes enherbées et des haies a une grande importance. « Il faut laisser fleurir les plantes ! Par exemple, des haies entretenues tous les ans, ce n’est pas bon pour la biodiversité, alerte Véronique Sarthou. Certains arbres ne refleurissent que sur du bois d’un an, voire deux. De plus, sur les bandes enherbées, la fauche des herbes sèches puis leur “exportation” demeure le mode de gestion idéal. »
Réponse multifactorielle
Lorsqu’un agriculteur entre dans cette démarche, il doit accepter la présence de la biodiversité fonctionnelle, parfois appelée à tort « nid à vermines », mais aussi celle de certains ravageurs, sous les seuils de nuisibilité. Habitué à avoir une solution face à un problème, il ne peut s’attendre à la même efficacité qu’un traitement, au moins au départ. Cela prend du temps, la réponse est multifactorielle.
Quant à la décision d’intervenir ou pas contre les ravageurs malgré la présence d’auxiliaires, c’est l’une des grandes difficultés de la lutte biologique par conservation (lire l’encadré ci-dessus). « Cela va dépendre des motivations de l’exploitant et de son degré de résistance au stress. Nous lui donnons une multitude d’éléments de réflexion mais, à la fin, c’est lui qui prend le risque », reconnaît la spécialiste.
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