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Des insectes au liquide séminal toxique

Des protéines toxiques sont transférées par les mâles aux femelles lors de l’accouplement.

Grâce à l’expression de protéines toxiques dans le liquide séminal des insectes mâles, les femelles sont éliminées avant qu’elles ne pondent et ne causent des dégâts. Cette nouvelle approche de lutte biologique doit encore faire ses preuves.

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« Cette technique se rapproche de ce qui est fait avec les insecticides, qui induisent une augmentation de mortalité des individus de l’espèce ciblée », indique Nicolas Rode, chercheur en génétique évolutive à l'Inrae. Mise au point par des scientifiques australiens, la technique dite du mâle toxique consiste à modifier génétiquement les individus mâles d’une espèce d’insecte pour qu’ils produisent des protéines toxiques dans leur appareil reproducteur.

Ces protéines, transférées aux femelles lors de l’accouplement, sont venimeuses et vont tuer ces dernières. La preuve de concept de cette nouvelle lutte biologique est parue dans une étude publiée au début de l’année dans la revue Nature Communications (1).

Des mâles génétiquement modifiés

Les recherches ont été réalisées en laboratoire sur l’espèce modèle Drosophila melanogaster, la mouche du vinaigre, complétées par des simulations sur ordinateur. D’après les chercheurs, la durée de vie médiane des femelles accouplées avec les mâles génétiquement modifiés est réduite de 37 à 64 % par rapport aux mâles sauvages.

Des techniques de lutte biologique similaires existent déjà (lire l’encadré). La différence de cette approche est que les femelles qui causent les dégâts sont directement ciblées, au lieu de leur descendance. Ces résultats ont été annoncés comme une grande avancée dans la lutte contre les insectes nuisibles dans le domaine de la santé et en agriculture, mais de nombreuses incertitudes demeurent.

« Seulement une partie du travail a été faite, estime Nicolas Rode. Il faudrait encore démontrer que cette stratégie fonctionne en conditions réelles, et que les mâles arrivent à s’accoupler avec des femelles lorsqu’ils sont en compétition avec des mâles sauvages sur le terrain. » Si toutes les conditions sont réunies, il faudra encore environ une dizaine d’années avant une première commercialisation dans les pays qui acceptent les insectes génétiquement modifiés, comme par exemple au Brésil.

Testée sur Drosophila melanogaster, la technique serait transférable assez rapidement chez d’autres diptères. Elle est par exemple envisagée pour les moustiques dans une logique de santé publique, mais également pour des espèces nuisibles en agriculture, notamment les mouches des fruits. Elle serait aussi transférable chez d’autres types d’insectes dont les femelles adultes posent problème, comme des lépidoptères.

Les auteurs assurent que les protéines toxiques produites par ces insectes sont sans risques pour les mammifères et les autres animaux. Une affirmation qui nécessiterait des études plus approfondies selon le chercheur de l’Inrae, notamment sur l’effet potentiel pour les autres insectes et petits invertébrés.

(1) Beach, S.J., Maselko, M. Recombinant venom proteins in insect seminal fluid reduce female lifespan. Nat Commun, 2025

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