Betterave : huit étapes vers l’agriculture de conservation des sols
Investissant dans la fertilité des sols tout en préservant la rentabilité, la transition de la ferme agroécologique d’Étrépagny maintient la place centrale de la betterave sucrière.
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Depuis 2020, Clément Bunias, le responsable de la ferme expérimentale de Saint Louis Sucre pilote la transition de l’ancienne réserve foncière de l’usine à Étrépagny (Eure) avec un processus en huit étapes. Il explique : « L’objectif est de placer la fertilité du sol au cœur du système tout en assurant une transition économiquement rentable. »
Le diagnostic de l’exploitation a constitué la première phase. « Au-delà des analyses de sol et du test bêche, nous avons pris en compte le comportement des cultures, les pressions adventices, etc. » L’état des lieux a aussi inclus l’identification d’opportunités de diversification. Celle-ci a par exemple conduit à introduire la luzerne sur 5,8 hectares, laquelle est déshydratée par l’Usine coopérative de déshydratation du Vexin (UCDV), située à huit kilomètres.
Une rotation sur huit ans
Sur cette base, la transition a démarré par l’allongement de la rotation de quatre à huit ans, tout en maintenant la betterave sucrière une année sur quatre. « Sachant que cette culture a des conséquences sur la structure du sol, nous avons fait le choix de concentrer ces dommages en première et troisième années de rotation », souligne Clément Bunias. Le sol a ensuite cinq ans pour se régénérer. Autre particularité de la rotation, le colza est semé avec une culture associée de trèfle blanc nain, fenugrec et lin. Résistant au gel, le trèfle se développe sous le colza. Un blé puis un escourgeon sont semés dans la légumineuse, qui reste ainsi en place presque trois ans.
L’intensification végétale a constitué la troisième étape. « D’une obligation réglementaire liée au périmètre de captage, le couvert est devenu une culture à part entière », relève le responsable de la ferme expérimentale. Avec une densité de 250 à 300 grains par m², le mélange est ajusté en fonction de la culture suivante et du type de sol.
L’intensification végétale passe aussi par des cultures restituant des quantités de biomasse importantes tel le maïs grain.
Au cours de la phase suivante, le semis direct a été introduit pour la plupart des céréales, le colza, la féverole et les couverts avec un semoir à dent à pointe fine. Deux passages de herse à paille sont réalisés au préalable. « Une fissuration peut être mise en œuvre avant la betterave si le profil de sol le nécessite, ajoute Clément Bunias. Le labour n’interviendra qu’en cas de besoin pour gérer les adventices. »
Dans un cinquième temps, l’aménagement de la biodiversité a conduit à l’implantation de plus de deux kilomètres de haies en 2021. Près d’un hectare a été affecté à des bandes fleuries dans les zones les moins productives ou accessibles. Le long de la rivière traversant l’exploitation, 4,8 ha de miscanthus ont été implantés. Ils seront valorisés comme combustible par l’UCDV. Par ailleurs, neuf ruches sont présentes cette année à proximité de la luzerne dans le cadre d’une prestation de Bto’Bees (société de service de ruches en entreprise).
Un maintien des rendements
La sixième étape concerne la gestion de la fertilité. « Le N-Sensor est mis à profit pour mesurer la biomasse et la couleur des feuilles, ce qui nous permet de piloter les apports minéraux au plus juste », confie Clément Bunias.
Aboutissement de la transition, les deux dernières étapes s’engagent aujourd’hui avec la réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires puis des engrais. Cette année, le recours à un produit de biocontrôle a d’ores et déjà permis de conduire sept hectares de féveroles sans insecticide ni fongicide. « Le binage du maïs et de la betterave peut remplacer ou renforcer l’efficacité d’un traitement », note Clément Bunias. Il apprécie « la stimulation de la minéralisation au pied de la culture ».
L’exploitation a la particularité d’avoir connu plus de 50 ans de retour de la culture de betterave tous les deux ou trois ans. « Avant la transition, les rendements étaient inférieurs à ceux obtenus couramment dans le secteur », indique le responsable de la ferme expérimentale. À l’issue de la campagne de 2023, « ils n’ont pas été pénalisés notamment en betteraves et devraient progresser à l’avenir. Les charges ont légèrement diminué avec une réduction significative de la mécanisation mais un accroissement des coûts de semences. »
Pour suivre les actualités de l’exploitation : www.labetteraveonycroit.fr
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