Le bailleur pouvait reprendre les terres
Le droit de reprise du propriétaire bailleur est encadré strictement.
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L’histoire
Émile et son épouse avaient donné à bail à Sophie deux parcelles de terre, situées en cœur de la campagne jurassienne, que cette dernière avait mise à la disposition de l’EARL des Deux Épis. Le 21 décembre 2015, Émile avait vendu les parcelles à son neveu, Maurice. Ce dernier avait délivré congé, aux fins de reprise, à Sophie et à l’EARL pour le 15 février 2021.
Le contentieux
Sophie, qui exploitait les parcelles en litige depuis de nombreuses années, n’avait nullement l’intention de quitter les lieux loués. Aussi avait-elle saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du congé.
Les juges paritaires étaient saisis de deux motifs, tirés de l’article L. 411-59 du code rural qui énonce les conditions que doit remplir le bénéficiaire de la reprise. Selon ce texte, ce dernier doit occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité du fonds et en permettant l’exploitation directe.
Et les juges doivent rechercher si la distance constitue ou non un obstacle à la bonne exploitation du fonds. Or en l’espèce, Maurice mettait en valeur une exploitation laitière nécessitant une présence constante, de sorte qu’en habitant à 15 kilomètres des parcelles reprises, il n’était pas en mesure de remplir la condition visée par le texte qui exige une exploitation directe du fonds repris.
Mais les juges paritaires, qui disposent en pareille matière d’un pouvoir souverain, avaient écarté la contestation de Sophie. L’habitation de Maurice était suffisamment proche. Et la cour d’appel a confirmé la solution.
« La locataire avait contesté la reprise sur la base de deux motifs »
Le second motif soulevé par Sophie portait sur les modalités de mise en œuvre de la déclaration faite au titre du contrôle des structures, en présence de biens de famille. Cette déclaration ne doit-elle pas être appréciée à la date laquelle le congé doit prendre effet ? Or à la date du 15 février 2021, Maurice ne justifiait pas du dépôt de sa déclaration. L’annulation du congé s’imposait.
Mais pour les juges, l’argument n’était pas recevable. Le bénéficiaire d’un droit de reprise n’est pas tenu de justifier du dépôt de cette déclaration dès la date d’effet du congé mais seulement avant de mettre en valeur les biens. Aussi, si la date d’effet du congé, le 15 février 2021, était antérieure aux débats devant la cour, Maurice ne pourrait mettre en valeur les parcelles reprises qu’après validation de ce congé et le départ de Sophie.
Maurice n’était donc pas tenu de justifier, dans le cadre de la procédure en validation du congé, d’avoir effectué la déclaration préalable. La Cour de cassation a validé la solution en rejetant le pourvoi de Sophie .
L’épilogue
Sophie et l’EARL devront donc libérer les parcelles prises à bail afin de permettre à Maurice d’exercer son droit de reprise. Mais il ne pourra les mettre en valeur qu’après avoir adressé à l’autorité administrative sa déclaration au titre du contrôle des structures.
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