« Des propriétaires découragés à louer leurs terres »
Président de la section nationale des propriétaires ruraux de la FNSEA, Patrice Joseph observe un découragement de certains bailleurs à mettre en location leurs biens. Il réclame une évolution du statut du fermage jugé trop protecteur pour le fermier.
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À l’occasion de votre congrès annuel les 30 et 31 mai 2024 au Cap d’Agde, vous avez rappelé que les propriétaires ruraux étaient de plus en plus enclins à ne plus vouloir louer leurs terres. Avez-vous évalué ce phénomène ?
Ce n’est pas majoritaire, mais dans certaines régions, cela peut représenter jusqu’à 30 % des terres. Elles sont alors le plus souvent exploitées par des entreprises de travaux agricoles, surtout dans les zones de grandes cultures.
Comment l’expliquez-vous ?
Le principal problème est que les baux restent les mêmes pendant des générations, parfois trois ou quatre générations, sans aucune mise à jour. Cela signifie que les conditions de ces baux, rédigés il y a 50 ou 60 ans, deviennent totalement obsolètes. Par exemple, il y a encore des loyers calculés en blé, ce qui est complètement déconnecté de la réalité actuelle.
Les propriétaires ruraux sont également fortement imposés, au point que dans certaines régions, les loyers perçus ne couvrent même pas la taxe sur le foncier non bâti. Cela décourage encore plus les propriétaires de louer leurs terres.
Quelles évolutions réclamez-vous pour le statut du fermage ?
Nous ne demandons pas une révolution, mais des ajustements. Il serait par exemple déjà énorme de pouvoir changer de bail à chaque nouveau fermier. Si les conditions initiales ne sont pas bien rédigées, les propriétaires peuvent en pâtir longtemps. Nous voulons également supprimer les décotes appliquées au bénéfice du fermier lors de la vente des terres louées à ce dernier.
Comment portez-vous ces propositions ?
Nous attendions une loi foncière promise par le président Macron. Cela fait maintenant plus de cinq ans, et malgré le projet de loi d’orientation agricole en cours de débats, nous n’avons toujours rien de concret. Nous avions espoir avec ce projet de loi, mais il n’y a rien de substantiel pour les bailleurs. Le ministre Fesneau a déclaré qu’il ne toucherait pas au statut du fermage, qu’il considère très protecteur pour les fermiers. Mais en réunion, je souligne souvent que cette protection est uniquement pour les fermiers, pas pour les propriétaires. Nous avons travaillé avec les fermiers, qui sont conscients que les propriétaires sont de moins en moins enclins à louer. Nous avions même préparé un texte commun approuvé par la FNSEA.
Nous avions tenté de faire porter des amendements à l’Assemblée nationale mais ils ont été jugés irrecevables par la commission des affaires économiques.
Vous allez répéter la même chose maintenant que le texte a été voté par l’Assemblée et transmis au Sénat ?
Oui, nous avons plus d’espoir maintenant que le texte est désormais au Sénat, où les élus sont plus proches des réalités rurales. Mais le processus législatif reste incertain, surtout avec les périodes électorales et le risque constant de 49.3 ou de motions de censure. Nous, propriétaires ruraux, jouons un rôle crucial en tant qu’apporteurs de capitaux dans l’agriculture. Il est essentiel que les pouvoirs publics le reconnaissent et ajustent les lois et la fiscalité en conséquence.
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