Sans bonne foi, point de cession du bail
La cession familiale du bail est réservée au preneur qui s’est acquitté de toutes ses obligations.
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L’histoire
Par acte authentique du 28 juin 1995, Émile avait donné à bail à long terme à Didier diverses parcelles d’herbage, situées dans le pays d’Auge, que ce dernier avait mises à la disposition d’une EARL constituée avec son fils.
Émile était décédé en 2000, laissant pour lui succéder ses deux enfants, Anne et Vincent. Après vingt-cinq années passées sur l’exploitation, Didier avait souhaité passer la main. Aussi, par lettre du 29 octobre 2018, avait-il sollicité d’Anne et Vincent l’autorisation de céder son bail à son fils Yvon.
Le contentieux
Anne et Vincent ayant refusé d’autoriser la cession du bail, Didier avait saisi le tribunal paritaire des baux ruraux afin d’obtenir cette autorisation.
Le statut du fermage n’autorise la cession du bail que dans le cadre familial, avec l’accord du bailleur. Tel est le principe posé par l’article L. 411-35 du code rural. À défaut d’agrément du bailleur, la cession peut être autorisée par le tribunal paritaire.
La jurisprudence admet que la faculté de céder le bail est une faveur réservée au fermier de bonne foi, c’est-à-dire à celui qui s’est constamment acquitté des obligations résultant de son bail.
Pour Didier, le refus d’autorisation de cession du bail n’était pas justifié. Il avait régulièrement payé son fermage et son fils Yvon, associé de l’EARL, participait depuis longtemps aux travaux de mise en valeur des parcelles aux côtés de son père.
Mais c’était passer sous silence le fait que Didier n’avait pas informé Emile, le précédent bailleur, de la mise à disposition des parcelles au profit de l’EARL. Or, selon l’article L. 411-37 du code rural, le preneur associé d’une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, tout ou partie des biens dont il est locataire, à la condition d’en aviser au préalable le bailleur, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Didier avait donc commis un grave manquement à son obligation d’information.
Pour autant, ce motif était-il suffisant pour refuser l’autorisation de la cession, alors que les actuels bailleurs n’en subissaient aucun préjudice ?
Les juges avaient donné raison à Didier. La sanction de ce manquement supposait que celui-ci fût de nature à porter préjudice au bailleur, ce qui n’était pas établi.
Mais cette solution a été censurée par la haute juridiction. Le manquement de Didier à son obligation d’informer le bailleur de la mise à disposition des terres louées au profit de l’EARL faisait, à lui seul, obstacle à la faculté de céder.
L’épilogue
La solution est bien sévère pour Didier, qui ne pourra céder son bail à son fils. Si depuis la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999, en cas de mise à disposition irrégulière au profit d’une société, la résiliation du bail ne peut être prononcée que si le bailleur a subi un préjudice, en revanche un tel manquement justifie à lui seul le refus de céder le contrat.
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