« J’imprime des pièces 3D pour ma ferme et les agriculteurs de mon secteur»
Mathieu Colas se sert des pièces imprimées pour réduire les coûts et répondre aux problèmes de disponibilité des pièces d'origine et adaptables.
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Mathieu Colas, agriculteur bio sur la commune de Castelnau-d’Arbieu dans le Gers, est depuis toujours passionné par le dessin industriel. C’est pourquoi il a décidé en 2017 d’investir dans une imprimante 3D pour l’aider dans ses projets d’autoconstruction mais aussi se dépanner sur sa ferme.
Une éxpérience en tant que dessinateur industriel
« J’ai fait des études de machinisme agricole, explique Mathieu. À l’issue de celles-ci, je suis rentré chez Agrisem en tant que dessinateur industriel. J’ai donc gardé la même habitude de travail en commençant par faire mes dessins sur le PC au bureau et ensuite descendre à l’atelier pour fabriquer les pièces à partir des plans. »
Après quelques essais, Mathieu s’est dit qu’il pourrait utiliser l’impression 3D pour améliorer, modifier et refabriquer des pièces qui coûtent un peu cher. Aujourd’hui, l’agriculteur utilise deux imprimantes, une à filament et une à résine en fonction de ses besoins.
Pour l’autoconstructrion
« J’ai commencé par imprimer des cyclones de dépression pour un semoir monograine, car j’avais des problèmes de micro-granulateur Monosem lorsque je voulais appliquer de l’anti-limace. Ce dernier se tassait trop au fond du semoir et finissait par casser l’entraînement", se souvient-il.
« Pour résoudre ce problème, j’ai trouvé un semoir microgranulateur Delimbe et comme je voulais localiser le produit sur la ligne de semis, j’ai installé des petits cyclones de dépression qui sont encore opérationnels depuis 6 ans », se félicite Mathieu. L'agriculteur ne travaille quasiment qu’avec du PETG (Polyéthylène Téréphtalate Glycolisé) pour toutes ses pièces. Pourquoi ? Parce que c’est une matière résistante à l’abrasion, à la chaleur, facile à imprimer, stable. C'est aussi un produit qui n’est pas cassant, car il garde une certaine souplesse.
Maintenant, il lui arrive d’imprimer de tout, pour tout le monde, depuis des bagues d’usure de direction en passant par des boîtes de rangement jusqu’aux jouets pour ses enfants, qui lui demandent dles copies de son matériel. « J’imprime tout ce dont je peux avoir besoin et ça commence à se savoir dans le secteur. J’ai de plus en plus d’agriculteurs qui m’appellent, et même parfois un concessionnaire. »
Se dépanner rapidement
« Sur mon épareuse qui tourne trois semaines par an, ça fait quatre ans que j’ai des joints imprimés en 3D qui équipent les vérins et ils n’ont jamais bougé. Si le joint venait à rompre, ce n’est pas un problème, car il me revient à 5 centimes et me prend 15 minutes à imprimer. Donc s’il lâche, je rentre à la ferme, je l’imprime, je le remonte et repars rapidement. Je ne suis pas bloqué ou obligé d’aller en acheter un et je perds au maximum une heure entre la panne et la réparation.»
Sauver des machines
Dernièrement, un concessionnaire de matériel d’irrigation a contacté Mathieu pour fabriquer des vannes trois voies à commande hydraulique montées sur des enrouleurs. Ces pièces ne sont plus fabriquées et les seules solutions de remplacement passent par de grosses modifications techniques et coûteuses.
« La concession m’a donc fourni la pièce d’origine en aluminium en me demandant s’il était possible pour moi de la sortir en PETG à un prix intéressant, détaille-t-il. Tout ça pour continuer à faire tourner des machines qui sinon finiraient à la casse. J’en ai donc imprimé quatre et toutes fonctionnent encore à l’heure actuelle. »
Mathieu a aussi fabriqué des bagues de rabatteur de vieilles moissonneuses-batteuses Laverda. Il précise que c’est une machine qui récolte environ 30 hecares par an et donc les bagues imprimées en 3D ne poseront pas de problème. En revanche, si ces pièces avaient été pour un entrepreneur qui bat 1 000 hectares, peut-être qu'elles n’auraient pas tenu plus d’une campagne.
Dans ce cas, l'agriculteur les auraient imprimées avec un matériau un peu plus résistant. Il rappelle ainsi que l’impression 3D n’est pas adaptée au fonctionnement à grande intensité, mais pour se dépanner rapidement et efficacement.
Des joints et des pièces
Grâce à ses deux imprimantes, Mathieu peut se permettre de choisir la matière d’impression. Il a par exemple essayé d’imprimer la première vanne trois voies en résine, mais ça ne convenait pas, car la matière est moins résistante que du PETG. « Aujourd’hui, en plus des pièces qui demandent de la précision, j’utilise la résine pour fabriquer des joints, car il en existe des versions très souples et très fines, qui ressemblent presque à du caoutchouc. J’ai par exemple fait des joints de pistons sur des vérins double effet. Comme ça s’il y a un problème, ça sera une fuite interne et il n’y a pas un gros différentiel de pression entre les deux côtés."
«Depuis que j’ai l’imprimante, j’ai aussi fabriqué plusieurs de boutons de commande de monolevier de moissonneuses-batteuses Case IH. Le petit joystick en croix qui commande les rabatteurs et la coupe possède une petite pièce en plastique qui casse facilement. Et comme le fabricant ne détaille pas la pièce, il faut changer l’intégralité de l’interrupteur qui valait à l’époque 480 €. Un agriculteur m’a contacté pour résoudre ce problème. Comme je possède cette moissonneuse-batteuse, j’ai pris la pièce, je l’ai dessinée numériquement et ensuite imprimée. »
Réfléchir à l’impression
« L’impression 3D ne donnera jamais la résistance, ni la finesse d’une pièce moulée à haute pression, prévient Mathieu. Il est possible de s’en approcher si la pièce est conçue de la bonne façon. Il faut donc tourner la pièce dans le bon sens pour que les fibres soient imprimése dans le sens du travail et donc avoir la meilleure résistance possible là où vont s’appliquer les efforts. C’est un peu comme du bois, l’impression 3D, ce sont des couches les unes au-dessus des autres."
«ça résistera très bien à la compression, mais à l’arrachement beaucoup moins, insiste-t-il. L’impression 3D est donc adaptée pour faire du prototypage et éventuellement de la micro-série. Mais pas pour fabriquer une pièce en grande série. En revanche, pour faire des moules, ça peut être intéressant. Il ne reste plus ensuite qu’à réaliser des pièces avec du silicone. »
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