Les députés de gauche ne désarment pas contre la loi Duplomb
Les députés de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel contre la loi agricole dite Duplomb, et sa mesure contestée de réintroduction sous conditions d’un néonicotinoïde, que les parlementaires estiment incompatible avec la préservation de l’environnement et le droit à la santé.
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Ils l’avaient annoncé, ils l’ont fait. Les groupes Écologiste et social, La France insoumise — Nouveau front populaire, et Gauche démocrate et républicaine ont saisi le Conseil constitutionnel concernant la loi dite « Duplomb ». Dans un courrier adressé au président du Conseil constitutionnel Richard Ferrand le 11 juillet, les députés de gauche contestent à la fois la procédure d’adoption du texte, et le fond.
Après un parcours de plusieurs mois, la loi Duplomb visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », a été adoptée par l’Assemblée nationale mardi dernier, le 8 juillet 2025. Avec 316 voix pour et 223 contre, les députés ont mis le point final au parcours parlementaire de ce texte baptisé du nom d’un de ses corapporteur au Sénat. Le 2 juillet, ce sont les sénateurs qui l’avaient adopté.
L’acétamipride dans le viseur
Les Insoumis, écologistes et communistes ont déposé un recours commun, et les socialistes un deuxième. Cette loi prévoit notamment la réintroduction à titre dérogatoire et sous conditions de l’acétamipride, pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France mais autorisé en Europe. Le texte prévoit une réintroduction sans délai, avec une clause de réexamen par un conseil de surveillance, trois ans après, puis annuelle.
Pour le groupe des requérants insoumis, écologistes et communistes, la dérogation elle-même « n’est pas encadrée ni dans l’espace, ni dans le temps », et « l’usage des néonicotinoïdes n’est pas circonscrit à des filières de productions agricoles définies ». Ils jugent que la réintroduction même à titre dérogatoire de cet insecticide contrevient aux principes de précaution et de non-régression environnementale.
Ces députés de gauche estiment aussi qu’il n’existe aucune « caractérisation juridique de ce que pourrait constituer une menace grave compromettant la production agricole », censée fonder la dérogation pour utiliser l’acétamipride. « Les connaissances scientifiques des effets de l’acétamipride sur la santé humaine ont mis en lumière des préoccupations encore plus inquiétantes qu’elles ne l’étaient en 2016, lors de l’adoption de la loi interdisant ces produits », arguent-ils encore, estimant que la « loi méconnaît l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé humaine ».
Les installations classées et la gestion de l’eau aussi
Le recours vise également les mesures facilitant l’agrandissement ou la création de bâtiments d’élevage. Lors de l’enquête publique, des réunions d’information pourront être remplacées par une permanence en mairie. Selon les parlementaires, cette disposition restreint « la capacité du public à s’informer et à s’investir dans la démocratie environnementale locale ».
Ils visent aussi l’article qui prévoit notamment une présomption d'« intérêt général majeur » pour certains ouvrages de stockage d’eau, dans l’intention de faciliter les constructions. Les requérants jugent que cette présomption « dispense les autorités d’examiner les risques environnementaux ».
Enfin sur la forme, les auteurs du recours dénoncent les conditions d’examen du texte. À l’Assemblée, il avait fait l’objet d’une motion de rejet préalable, déposée par son propre rapporteur Julien Dive (LR) pourtant favorable à la loi. Julien Dive l’avait justifié par l'« obstruction » de la gauche, qui avait déposé plusieurs milliers d’amendements.
Elle a été utilisée « pour empêcher l’Assemblée nationale de débattre, et l’opposition d’exercer son droit constitutionnel d’amendement ». Les auteurs du recours soutiennent donc « que l’ensemble de ce texte, adopté sans débat, doit être censuré pour vice de procédure ».
Une argumentation partagée par les députés socialistes.
« L’adoption de cette motion […] doit s’analyser comme un détournement délibéré de la procédure parlementaire, contraire à sa finalité, dont il résulte une atteinte caractérisée à la sincérité du débat législatif », écrivent les élus socialistes.
Sur la réintroduction de l’acétamipride, le recours socialiste estime aussi qu’elle « constitue une rupture manifeste avec l’exigence de prévention, en ce qu’elle autorise une atteinte avérée à l’environnement, sans en limiter la portée et sans encadrer de façon stricte les modalités d’application. »
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