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C’est son avis « L’agriculture urbaine ne pourra pas nourrir les villes »

Selon Nicolas Bricas, chercheur au Cirad et titulaire de la chaire Unesco Alimentations du monde, à Montpellier (1), défendre une agriculture de proximité ne peut se faire au détriment des zones plus éloignées. La reterritorialisation n’est pas sans contraintes.

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L’agriculture locale ne dit rien sur les conditions de production

N’acheter que des produits locaux ne suffira jamais à pourvoir à tous les besoins alimentaires.

Le transport représente peu dans le coût environnemental du système alimentaire. En outre, la moitié de l’énergie dépensée en transport tout au long de la chaîne agroalimentaire est le fait des trajets domicile- supermarchés.

De plus, les produits issus de l’agriculture locale ne sont pas systématiquement meilleurs, et le local ne dit rien sur les conditions de production.

Enfin, l’essor de l’agriculture urbaine et périurbaine ne doit pas faire oublier les difficultés des zones rurales où l’activité agricole est d’une grande importance économique et écologique.

En fait, redonner un sens à l’agriculture et aux produits agricoles consommés, c’est ce que recherchent les citoyens. Et les politiques des villes prennent de plus en plus en main les questions d’alimentation pour répondre à ce besoin de sens.

Organiser l’approvisionnement autour des villes

Au niveau mondial, le Pacte de Milan, signé lors de l’exposition universelle de 2015, réunit aujourd’hui plus de 170 villes, grandes et moyennes, de tous les continents. Elles s’engagent à organiser l’approvisionnement de leur population en produits sains, issus d’une agriculture durable et à réduire le gaspillage alimentaire. Il est certes possible d’augmenter très sensiblement l’autosuffisance alimentaire urbaine en mobilisant tout le foncier disponible. Historiquement d’ailleurs, les produits frais, comme les fruits et légumes, ont toujours été cultivés autour des villes. Mais il faut aussi nourrir la population de pain et autres produits céréaliers, de produits animaux, d’huile, de sucre, etc. Même si on réduit la consommation de viande, il faudra augmenter celle de légumineuses pour garantir un équilibre alimentaire. Par exemple, nous avons calculé que le département de l’Hérault ne suffirait pas pour nourrir la ville de Montpellier et sa banlieue, même si on reconvertissait toute la surface agricole pour produire ce dont cette agglomération urbaine a besoin.

Mieux connaître les contraintes des agriculteurs

Pratiquer ou côtoyer l’agriculture urbaine peut cependant permettre de mieux connaître et comprendre les contraintes des agriculteurs. À condition qu’elle ne construise pas une représentation déformée de l’agriculture, sur de toutes petites surfaces, avec beaucoup de main-d’œuvre. Elle est d’ailleurs plus proche du jardinage que de l’agriculture en plein champ. En revanche, les urbaculteurs inventent de nouvelles formes d’agriculture, développent des savoir-faire particuliers qui ont un véritable intérêt scientifique. Pour autant, l’agriculture urbaine ne pourra jamais supplanter l’agriculture rurale, sur de grandes étendues. Elle peut malgré tout permettre de tisser de nouvelles solidarités, de renouer le dialogue entre citadins et agriculteurs et favoriser un développement territorial. Si l’agriculture urbaine réinvente des possibles, elle ne doit pas détourner l’attention des vrais problèmes agricoles, de ce qui se joue à Bruxelles ou rue de Varenne.

Propos recueillis par Claire Nioncel

(1) Coauteur de l’ouvrage « Construire des politiques alimentaires urbaines ». Concepts et démarches. Paris, aux Éditions Quae, 2017,

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