Lait et viande/Monde Un rapport dénonce la croissance à tout prix
Un cercle de réflexion américain et une ONG accusent les géants de la viande et du lait de sacrifier l’environnement, les producteurs et les consommateurs sur l’autel du profit.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Dans un rapport rendu public ce 18 juillet, l’Institut pour la politique agricole et commerciale (IATP) et l’ONG Grain illustrent l’incompatibilité des objectifs de croissance des leaders mondiaux de la viande et du lait et des objectifs de limitation du réchauffement climatique.
« Si la croissance du secteur de la viande et des produits laitiers se poursuit au rythme actuellement prévu, le secteur pourrait absorber, en 2050, plus de 80 % du “budget” annuel d’émissions de gaz à effet de serre compatible avec la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C (soit 13 Gt d’équivalent CO2) », avertit le rapport.
Des objectifs inexistants ou peu précis
Les deux organismes se montrent très critiques à l’égard des politiques environnementales des conglomérats des produits laitiers et carnés. « À l’exception de quatre entreprises qui fournissent des estimations complètes de leurs émissions de gaz à effet de serre, les 35 plus grosses entreprises du secteur ne sont pas transparentes sur leurs émissions et notamment sur celles de leur chaîne d’approvisionnement. »
Lorsqu’ils existent, les objectifs de réduction portent en majorité sur l’intensité des émissions (émission par kg de lait ou de viande) et non pas sur le volume global de ces émissions. L’IATP et Grain s’interrogent par ailleurs sur le réalisme de ces objectifs, d’un point de vue scientifique mais aussi économique et politique (ils sont basés sur le volontariat uniquement).
L’offre crée la demande
Le rapport réfute la thèse selon laquelle l’exportation à grande échelle se justifierait sur le plan environnemental par une production plus respectueuse de l’environnement dans les pays exportateurs (en comparant par exemple les systèmes de production laitière néo-zélandais et chinois). Les grands exportateurs sont en effet accusés d’accentuer la véritable demande en produits laitiers et carnés, en inondant de leurs envois le marché chinois, et en supplantant ainsi l’alimentation traditionnelle.
Producteurs et consommateurs sont aussi des victimes
L’environnement ne serait pas la seule victime de la croissance débridée de ces géants. « La concentration toujours plus forte du secteur de la viande et du lait est un désastre pour les agriculteurs », souligne le rapport.
« En Europe et en Amérique du Nord, les élevages de petite et moyenne taille qui ne sont pas rayés de la carte par les politiques agricoles favorables à l’agribusiness se retrouvent souvent piéger par des accords d’approvisionnement injustes, dictés par [les] grosses firmes. Dans des pays comme le Kenya, la Chine, l’Inde ou le Brésil, les petits producteurs sont expulsés de leurs terres pour faire de la place à l’expansion des fermes industrielles. Dans beaucoup de pays de l’Afrique subsaharienne, les petits producteurs ne peuvent tout simplement pas rivaliser avec les produits carnés et laitiers étrangers subventionnés qui inondent leurs marchés. »
Les consommateurs seraient victimes des industriels au travers d’une surconsommation de produits d’origine animale et de l’augmentation de l’antibiorésistance, estime le rapport.
Valérie Scarlakens
Pour accéder à l'ensembles nos offres :