Ministre brésilien « Nous avons besoin d’un marché libre et ouvert »
Le ministre brésilien de l’Agriculture, Blairo Maggi, était de passage à Paris à l’occasion de l’assemblée générale de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), qui s’est tenue du 20 au 24 mai 2018. Nous l’avons rencontré.
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La France Agricole : Le Brésil est officiellement reconnu par l’OIE comme pays indemne de fièvre aphteuse. Que représente pour vous cette certification ?
Blairo Maggi : Cela fait plus de 60 ans que nous luttons contre la fièvre aphteuse, avec un effort encore plus intense ces dernières années de la part du gouvernement et des filières concernées. Les 27 États du Brésil ont désormais la même certification, ce qui est très important pour accéder à plus de marché concernant la viande bovine et porcine. Notre prochaine étape est d’atteindre en 2023 le statut indemne de fièvre aphteuse sans vaccination.
Quelles épizooties posent encore un problème ?
Blairo Maggi : Nous avons deux défis majeurs. Le premier concerne la peste porcine classique. 14 États de la fédération sont déjà indemnes de cette maladie. Il y a aussi des efforts à faire concernant la tuberculose du cheptel laitier. Mais je tiens à souligner que nous sommes un grand pays producteur et qu’il y a beaucoup de maladies qui ne sont pas présentes. Nous sommes très fiers, par exemple, de ne jamais avoir eu de cas de grippe aviaire.
Le Brésil est un grand exportateur de viande, avec plus de 150 pays partenaires
Quelles sont vos ambitions exportatrices en viande ?
Blairo Maggi : Le Brésil est un grand exportateur de viande et les marchés sont spécifiques et complémentaires, avec plus de 150 pays partenaires. L’Europe importe des découpes nobles de viande bovine, d’autres préfèrent des morceaux à transformer. En volaille, nos blancs de poulet partent vers l’UE, les ailes et les pieds vers la Chine, les cuisses vers le Japon, l’Afrique et le Moyen-Orient… Ce que nous voulons, c’est un marché libre, ouvert, afin que nous puissions adapter notre offre à la demande et vendre tous les morceaux au meilleur prix.
Et concernant le lait ?
Blairo Maggi : Le Brésil est autosuffisant en consommation de lait. Il importe du lait en poudre des pays du Mercosur, et des produits plus élaborés d’Europe, tels que les fromages français. Ce sont des niches conséquentes, puisque sur 220 millions d’habitants, nous avons une classe moyenne d’environ 30 % de la population, soit à peu près entre 60 et 70 M d’habitants qui peuvent consommer des produits de meilleure qualité de l’Union européenne.
J’imagine bien la préoccupation de vos producteurs d’avoir à entrer en compétition avec des pays plus efficaces.
Où en sont les négociations sur l’accord UE-Mercosur ?
Blairo Maggi : Les produits laitiers sont justement l’un de nos points d’achoppement. Au Brésil, le lait est produit à 99 % par de petits producteurs, en agriculture familiale. Nous ne pouvons pas accepter que le lait européen arrive massivement au Mercosur car nous n’avons pas de subvention comme ici en Europe, où des producteurs gagnent de l’argent non pas par leur activité, mais parce que le gouvernement les aide. Et nous ne pouvons pas entrer en compétition entre gouvernements… Nous n’avons pas peur d’une ouverture au marché mais les conditions doivent être semblables. Mais je pense que nous parviendrons malgré tout à un accord avant la fin de l’année.
Comprenez-vous l’inquiétude des éleveurs français ?
Blairo Maggi : Oui, bien sûr. Les élevages brésiliens ne sont pas aidés, payent des taux d’intérêt réels… J’imagine bien la préoccupation de vos producteurs d’avoir à entrer en compétition avec des pays plus efficaces. Les quotas imposés sont d’ailleurs le reflet de ces inquiétudes.
« L’Union européenne est sévère et injuste avec nous. »
Quel regard portez-vous sur l’affaire de la viande avariée qui touche votre pays ?
Blairo Maggi : Il y a eu des problèmes de communication sur l’opération « carne fraca » (viande faible) : tout part d’une enquête sur le comportement de personnes liées au ministère et au secteur privé, avant 2017. Ça n’a pas du tout de rapport avec la qualité des produits.
Où en est la procédure judiciaire ?
Blairo Maggi : L’enquête se poursuit. Il y a de nouvelles opérations de police dans des entreprises et des laboratoires de contrôle. Dont un d’origine française… Il faut attendre les résultats.
Comment jugez-vous la réaction de l’UE ?
Blairo Maggi : Sévère et injuste. L’UE exige par exemple que 2 600 types de salmonelle soient absents des volailles brésiliennes. Néanmoins, nous pouvons accéder au marché si nous payons une surtaxe. Si le problème était véritablement lié à la santé, il n’y aurait pas cette possibilité de paiement…
Propos recueillis par Alain Cardinaux
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