Le jour où « Le pont menant à ma ferme s’est écroulé »
Solenn, maraîchère à Roura (Guyane).
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«Pour rejoindre mon exploitation, il faut traverser un cours d’eau, une crique comme nous l’appelons en Guyane. Le pont qui surplombait était ancien et limité à 3,5 t. Le 15 mai dernier, un camion transportant 17 t de matériaux l’a emprunté, entraînant son effondrement. La crique est large de 40 m mais peu profonde : le conducteur n’a rien eu.
En revanche, huit mois plus tard, le pont n’est toujours pas reconstruit. Je n’ai plus accès à mon exploitation, ni à ma maison. Une passerelle piétonne a été bâtie quelques semaines après les dégâts. Comme nous sommes peu nombreux à habiter de ce côté-là, cela ne joue pas en notre faveur.
La ferme mise en vente
Le jour de l’accident, je devais être chez moi, mais j’ai dû aller payer la cantine pour mes enfants. Je me suis absentée 30 minutes, au retour il n’y avait plus de pont. Seul point positif : ma voiture était du bon côté, ce qui n’est pas le cas pour mon salarié, qui travaillait à la ferme. À l’heure actuelle, son véhicule y est toujours. Juste après le séisme, j’ai emprunté à pied les vestiges du pont pour aller le prévenir et récupérer quelques affaires. Des amis sont venus m’aider à rapatrier des caisses de légumes et essayer de sauver ma récolte.
Pendant un mois et demi, des proches nous ont hébergés, puis je me suis résolue à louer un logement. Au départ, j’ai fait une demande de chômage partiel pour mon salarié. Mais quand j’ai compris que la situation allait durer, j’ai envisagé une rupture conventionnelle ou un licenciement économique. Finalement, il a trouvé un autre poste avant. Quant aux assurances, ce genre de cas n’est pas prévu. J’ai saisi la protection juridique qui a procédé à une expertise pour évaluer le montant du préjudice, mais je ne sais pas combien de temps cela va durer. En attendant, la ferme ne tourne pas et j’ai des prêts à rembourser. Fort heureusement, j’ai un emploi salarié à côté. Quand un tel évènement se produit, on se dit que quelqu’un va agir. Mais non !
Résultat, j’ai mis ma ferme en vente. J’étais installée depuis six ans et financièrement, c’était déjà compliqué. La décision a été très dure à prendre, mais je suis soulagée. Le pont a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Il devrait être reconstruit au printemps prochain, s’il n’y a pas de retard. »
Propos recueillis
par Louise Cottineau
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