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Le jour où... « J’ai prouvé à une cliente qu’il fallait multiplier ses sources d’information »

Aline, agricultrice et productrice de cosmétiques, Hauts-de-France.

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«C’était début décembre. Je venais de m’installer pour un mois sur le marché de Noël de la grande ville proche de chez nous. Une femme d’une cinquantaine d’années se présente sur mon stand et me lance d’un ton agressif : “Vous faites partie du réseau Bienvenue à la ferme, mais je n’achèterai aucun de vos savons. Vous polluez. Vos matières premières ne sont pas de qualité, je n’en veux pas.”

Cette citadine était particulièrement virulente et très remontée contre les agriculteurs. Alors, j’ai essayé de mieux comprendre ses griefs. Elle commence à parler des néonicotinoïdes : “Ce sont des produits dangereux, qui tuent les abeilles et sont très mauvais pour la biodiversité.” En la regardant,je m’aperçois qu’elle porte un T-shirt et un sac à main arborant un chat. Alors, je l’interpelle : “Vous aimez les chats ?” Sa réponse est “oui”. Jelui demande donc comment elletraite son animal de compagnie contre les puces. La dame m’indique qu’elle achète un collier ne présentant aucun danger en magasin bio. Sur ce, je lui suggère de regarder sa composition, persuadée qu’il contient du fipronil. Et je lui propose de venir en rediscuter. Mon interlocutrice est partie sur ses grands chevaux, sans même regarder ma gamme. Jene m’attendais pas à la revoir. Mais quinze jours plus tard, elle est revenue me confirmant la présence de cette substance. Jelui ai expliqué que les agriculteurs étaient décriés, bien qu’ils utilisaient ce type de molécule dans des conditions bien encadrées, pour gagner deux interventions aériennes. Et que c’était probablement moins dangereux que le collier qu’elle-même ou ses petits-enfants touchaient, et qui diffusait de la matière active dans tout son environnement. Jelui ai dit qu’il fallait multiplier ses sources d’information et que notre profession était prête à discuter et expliquer son métier. Ce jour-là, cette personnea pris le temps de découvrir mon stand, les échanges étaient apaisés. Désormais, c’est une fidèle cliente, convaincue­ de la qualité de mes cosmétiques.

Cet épisode m’a fait comprendre qu’en tant qu’agriculteurs, nous devons constamment être dans la vulgarisation. Il faut toujours être prêt à expliquer nos pratiques, sans agressivité, sans être dans la justification. Cette pédagogie demande de faire preuve de patience. Ce n’est pas facile, mais il ne faut pas se décourager. »

Propos recueillis par Catherine Yverneau

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