Le jour où… « Notre voisin est tombé malade »
Sylvie, conjointe collaboratricedans une exploitation laitière de la Sarthe
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«C’était l’été 1997. Mon mari avait 35 ans, il avait repris la ferme de ses parents cinq ans plus tôt. Michel, notre voisin, approchait de l’âge de la retraite. L’annonce de sa maladie incurable a été un véritable coup de bambou. Elle nous a fait toucher du doigt nos limites humaines – à trente ans, on se croit encore immortel ! – mais aussi les contraintes extrêmes de notre métier. Nous avons réalisé ce que veut dire être agriculteur et malade. Michel n’était pas un copain au sens où nous ne partagions pas nos loisirs mais il était assurément notre référent. Nous nous entraidions beaucoup et en cas de souci, de vêlage difficile par exemple, c’est lui que nous appelions. Pendant deux ans, les jours où il avait un rendez-vous médical, nous avons vu Michel se lever encore plus tôt pour accomplir son travail. Je reste encore impressionnée par la manière dont sa femme et lui ont fait face. Jusqu’à chercher ensemble une maison où elle vivrait après la mort de son mari.
La satisfaction d’installerun couple
L’avenir de sa ferme préoccupait Michel. Il a d’abord pensé la céder à un neveu. Mais cela ne s’est pas fait. Nous lui avons alors proposé de l’aider à trouver quelqu’un. Chez nous, cette période générait en effet beaucoup de remises en question. Mon mari n’envisageait pas de travailler seul toute sa vie. C’est finalement avec ma belle-sœur et son mari, alors chauffeur routier, que le projet s’est concrétisé.
Michel est décédé à l’automne 1999. Il a eu le temps de voir les premiers pas de son successeur avec lequel nous avons constitué un Gaec. Je crois qu’il a été content que sa ferme permette une installation. C’est quelqu’un qui n’avait jamais eu l’ambition d’être plus grand ou plus fort que les autres. De notre côté, nous avons ressenti un grand soulagement. Grâce à cette solution, nous avons eu le sentiment de lui apporter un peu d’apaisement. Cela reste une grande satisfaction pour nous.
Le Gaec a marqué le début d’une autre histoire, d’une autre façon de vivre l’entraide. Il nous a aussi permis de prendre des vacances. Depuis sa mise en route, nous partons chaque hiver à la montagne. Et durant cette semaine, il y a toujours un moment où notre voisin Michel arrive dans nos conversations. Lui qui n’a exprimé qu’un seul regret au moment de partir : celui de n’avoir jamais vu la montagne. »
Propos recueillis par Anne Mabire
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