Maghreb À la recherche de l’autonomie alimentaire
Fortement dépendants des importations d’huiles et de tourteaux, Tunisie, Maroc et Algérie s’intéressent au colza.
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Depuis quelques années, le Maghreb développe sa production de colza pour se défaire partiellement des importations d’huiles alimentaires et de tourteaux, dont il est quasi intégralement dépendant. Du 16 au 18 mai 2022, la Tunisie accueillait la première édition des Rencontres Maghreb oléagineux qui ont rassemblé des délégations marocaine, algérienne, tunisienne et française. L’objectif : permettre des échanges sur les expériences respectives des quatre pays, et « construire des liens de coopération », décrivent les organisateurs (1).
Surfaces en blé maintenues
De 400 en 2014, la Tunisie a atteint environ 12 000 ha de colza en 2021 et vise les 100 000 à horizon 2030. L’Algérie, qui a débuté plus tardivement, parle d’une même surface en 2024, le gouvernement soutenant fortement la production. Le Maroc cible quant à lui les 80 000 ha partagés entre colza et tournesol en 2030. Mais pas question de délaisser la production céréalière, dont les pays sont également déficitaires. L’introduction du colza dans les rotations mettrait fin à la très courante monoculture de blé dur, néfaste pour la durabilité du système céréalier. Ce dernier pourrait alors bénéficier des avantages agronomiques du colza, explique Aziz Bouhejba, président de l’Apad.
Les principales régions productrices se situent au nord. En Tunisie, la pluviométrie peut y atteindre les 600 mm, permettant la culture en sec. Entre 10 et 25 q/ha peuvent être espérés, jusqu’à 35 dans certaines régions, note Franck Duroueix, ingénieur chez Terres Inovia. Selon Maher Affes, directeur général de Carthage grains, 10 q/ha suffisent pour être rentables.
Encore des obstacles
Les freins à lever pour l’essor d’une filière oléagineuse sont toutefois nombreux, comme l’accès à des semences adaptées au climat. Les trois pays cultivent du colza de printemps non OGM sur un cycle hivernal, contrairement à la majorité de l’Europe qui produit du colza d’hiver. D’où l’importance d’une coopération pour « peser plus lourd et attirer les semenciers », relève Abdelaziz Ould Hocine, président de l’union des producteurs de céréales et multiplicateur de semences (Algérie).
Se pose aussi la question du changement d’échelle. Les premiers producteurs étaient globalement bien formés, réceptifs et leurs exploitations de grande taille, fait remarquer Mohamed Moez Fakhfakh, directeur R&D d’un collecteur tunisien. « Maintenant, il faut attirer beaucoup de petits exploitants, moins équipés et moins formés [...]. La majorité n’exploite pas plus de 15 ha. » C’est pourquoi une structuration de la filière inscrite dans un projet politique est nécessaire, estime-t-il. Deux représentants du ministère de l’Agriculture tunisien sont intervenus lors des rencontres afin de montrer leur soutien à l’initiative.
Raphaëlle Borget
(1) L’Institut national des grandes cultures (INGC), Carthage grains (triturateur tunisien), l’Association pour l’agriculture durable (Apad) et l’Association de coopération française pour le développement à l’international des filières oléo-protéagineuses (Agropol).
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