C’est son avis « Les sols ne sont pas morts ! »
Francis Bucaille, agriculteur et chercheur pour Gaïago SAS, explique pourquoi ni l’agriculture conventionnelle, ni l’agriculture de conservation ne parviennent à lever les dysfonctionnements des sols. Il plaide pour développer les micro-organismes constructeurs d’humus.
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Réussir la transformation
Avec la hausse des rendements, nous avons gagné en production par hectare et nous avons aussi accru les restitutions de matière organique. Donc logiquement, nous aurions dû accroître la production d’humus et de matière organique. Or, c’est exactement l’inverse qui s’est produit. Si le problème n’est pas d’origine comptable « entrée-sortie », c’est qu’il vient d’un dysfonctionnement dans le processus de transformation de la matière organique.
L’agriculture, qu’elle soit conventionnelle, de conservation ou même sous couvert permanent, restitue beaucoup de tissus végétaux immatures (engrais verts) ou avec peu de valeur biologique (pailles). Ces éléments ne favorisent pas le développement des organismes « constructeurs d’humus ». Ils favorisent, au contraire, une flore bactérienne qui minéralise la matière organique. La quantité des restitutions au sol n’y changera rien.
Des résultats récents (Inra) ont démontré que la pratique du semis direct change la répartition, mais n’augmente pas la teneur globale en matière organique. Cela montre aussi que le machinisme n’est pas la cause de tous les malheurs des sols. L’agriculture de conservation est souvent trop théorique. Vouloir copier l’écosystème forestier, c’est séduisant, mais semis direct ou non, la mise en culture prive le sol de sa capacité à se restructurer seul et à résister aux acidifications de surfaces, car les systèmes cultivés n’auront jamais l’enracinement d’une forêt et autant de capacité à remonter des éléments minéraux.
Agir sur la flore fongique
Plutôt que de se fixer un objectif dogmatique de ne plus labourer, l’agriculteur doit plutôt chercher à lever les dysfonctionnements du sol en système cultivé pour réactiver l’humification. Pour cela, il faut cibler le développement des micro-organismes constructeurs d’humus, à savoir la flore fongique mise à mal par les engrais à base de sels, les fongicides et les travaux du sol trop énergiques. Je préconise de réaliser des rations adaptées comme nous le ferions pour un animal. Si nous restituons des pailles, il est également bon, par exemple, d’y apporter simultanément un lisier pour apporter des éléments solubles et ainsi rééquilibrer la ration.
Par ailleurs, l’utilisation de fongicides doit être maîtrisée car elle traumatise la flore fongique. Par conséquent, en cas d’acidification de surface fréquemment rencontrée en semis direct, je plaide alors pour un retour à des labours agronomiques avec des socs de 10-12 pouces sans rasette. Cela permet de recycler les cations qui migrent en profondeur, en attendant le retour d’une flore fongique efficace.
Rapide à réactiver
La bonne nouvelle, c’est que les sols ne sont pas morts et qu’il est très rapide de réactiver les processus d’humification. On retrouve des grandes familles de micro-organismes constructeurs d’humus dans tous les sols. Insectes, enherbement, résistances, maladies. : un sol qui fonctionne mieux dans le sens de l’humification va résoudre quantité de problèmes. Les symptômes sur la partie aérienne des cultures sont en effet le plus souvent l’indicateur des difficultés de la plante sous terre. La microbiologie offre encore des réservoirs de productivité exceptionnels et nous n’en sommes qu’au tout début des découvertes.
Propos recueillis par Alexis Dufumier
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