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C’est son avis « La productivité des circuits courts pose question »

L’économiste Patrick Mundler, fondateur du groupe de recherche Agriculture, territoires et développement (1) étudie depuis quinze ans les circuits courts en France et au Québec. Selon lui, ces circuits ne sont pas miraculeux sur le plan économique.

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Les circuits alimentaires de proximité sont très populaires. En tant qu’économiste, je me suis intéressé à la soutenabilité sociale et économique des petites exploitations diversifiées en circuits courts. J’ai enquêté auprès de cinquante-sept d’entre elles en Rhône-Alpes au milieu des années 2000, et dans trente-deux exploitations du Québec en 2015 et 2016. Il y a une très grande variété des situations. Majoritairement, les agriculteurs affichent une satisfaction élevée à l’égard de leur travail au quotidien, la diversité des tâches, la reconnaissance sociale et le contact avec la clientèle. Si certaines entreprises sont très profitables, il y a une relative insatisfaction des agriculteurs à l’égard de leurs performances financières. La plupart dégagent de faibles revenus et travaillent beaucoup.

Circuit exigeant

Dans une économie de marché, on ne peut pas nier la productivité. Le circuit court est exigeant pour les agriculteurs. Il leur demande l’intégration de trois métiers : la production, la transformation et la distribution. Il faudrait qu’ils soient performants dans ces trois activités pour faire face à la concurrence. Or, ils sont artisans. La productivité de leur travail est plus faible que celle des professionnels de la transformation et de la distribution.

Prix trop bas

Vu les coûts de production, les prix pratiqués sont sous-estimés. Si les agriculteurs les calculaient suivant l’amortissement des outils de production, de leur endettement et du coût du travail, ces prix seraient très variables entre exploitants. Les producteurs les fixent en estimant intuitivement le consentement à payer des consommateurs. Ils sont tirés vers le bas par les fermes les plus productivistes. Pour des productions artisanales, de qualité, souvent bio, le consommateur, qui a en tête les prix du supermarché, est prêt à payer plus, mais pas beaucoup plus. Les producteurs s’alignent donc sur les prix du marché.

Pas de miracle

Les circuits courts permettent de faire vivre des exploitations de petite taille, de créer ou maintenir l’emploi. Mais ce n’est pas miraculeux sur le plan économique. Récupérer la marge des intermédiaires est une chose, mais il faut accepter de faire ce travail à leur place. Si on est bon en distribution et transformation, ça va, sinon ça ne va pas. Certains mutualisent un magasin, un atelier. Cela ne fonctionne que si les associés voient l’outil collectif comme le prolongement de leurs exploitations, y mettent de l’énergie, et du cœur. Si le lieu de distribution ou de transformation est considéré comme un prestataire, ça ne marche pas.

Projet de vie

Quant à la productivité, les agriculteurs déclarent : « Je sais que je perds de l’argent là, que je gaspille un temps fou ici, mais je me récupère comme ça. » Ils sont satisfaits de ce qu’ils font, car ils réalisent à la fois un projet de vie et un projet professionnel. Bien souvent, ces systèmes d’activité s’appuient sur d’autres revenus.

Alexie Valois

(1) http://agriculture-et-territoires.fsaa.ulaval.ca/

Patrick Mundler, diplômé en sciences économiques à l’Université Lyon 2, est actuellement professeur titulaire en développement rural au département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation à l’Université Laval de Québec.

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