C’est son avis « CRISPR-Cas9 n’a rien à voir avec les OGM »
Olivier Lucas, responsable des affaires scientifiques chez le semencier RAGT, est chargé d’un groupe de travail sur les méthodes récentes d’amélioration des plantes à l’UFS (1). Selon lui, la technologie CRISPR-Cas9 apporterait beaucoup aux agriculteurs européens.
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Une sélection mieux ciblée
La technologie CRISPR-Cas9 a été propulsée sur le devant de la scène il y a deux, trois ans. Depuis, l’engouement médiatique est retombé. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une technique de sélection très intéressante, dont des produits ont déjà fait l’objet d’autorisations aux États-Unis. Une française, Emmanuelle Charpentier, était dans l’équipe qui l’a mise au point. De façon simplifiée, cette technologie annule la fonction d’un gène ou la module. Elle permet de stopper l’action d’un gène, par exemple de sensibilité à l’oïdium du blé, ou de le rendre plus ou moins actif. L’aspect très innovant est qu’elle permet de reconnaître l’endroit précis du génome que l’on veut cibler, grâce à des ARN guides. CRISPR-Cas9 n’a rien à voir avec les OGM. La technologie de transgénèse introduit dans le génome des plantes, un nouveau gène issu d’une autre espèce. CRISPR-Cas9 n’introduit rien du tout, mais réalise une mutation ponctuelle, comme celles qui se produisent spontanément depuis toujours et qui expliquent l’évolution des espèces. En ciblant précisément le gène, elle permet une sélection hyperefficace et très rapide.
Un gain de temps
En tant que telle, c’est une technologie relativement abordable, qui peut être utilisée par un laboratoire de quelques personnes, par exemple. Mais elle nécessite d’avoir une bonne connaissance du génome de la plante, afin de savoir à quel endroit se situent les gènes sur lesquels on souhaite agir. Ceci n’est pas forcément à la portée de tous les semenciers. En France, nous avons la chance d’avoir engagé ce travail de façon collective, avec les programmes d’investissement d’avenir BreedWheat en blé, Amaizing en maïs, Aker en betteraves sucrières… CRISPR-Cas9 nécessite aussi une phase de culture in vitro, qui n’est pas disponible pour toutes les espèces. Elle fonctionne bien pour le blé, le maïs, l’orge ou les betteraves, mais moins bien pour le tournesol.
Des sélectionneurs utilisent cette technologie dans de nombreux pays, surtout pour améliorer la résistance aux maladies, la tolérance à la sécheresse, l’efficience des plantes vis-à-vis des nutriments, notamment l’azote, ou la qualité. En Europe, elle serait vraiment très utile aux agriculteurs, dans le contexte actuel de volonté de réduire les phytos. Mais nous attendons le feu vert de l’Europe pour pouvoir l’utiliser, et à l’UFS, nous espérons que les décisions prises iront dans ce sens. Il en va de la compétitivité de l’agriculture française.
Bénéfice pour la société
Aux yeux de nos politiques et de nos concitoyens, les seuls arguments de rester dans la course sur le plan de la sélection ou de maintenir la compétitivité de l’agriculture ne pèsent plus. Ce sont les bénéfices pour la société qu’il faut privilégier : la baisse d’utilisation des pesticides, si l’on obtient des plantes résistantes aux maladies, ou la réduction d’utilisation des engrais, si la céréale exploite mieux les nutriments. C’est le résultat qu’il faut mettre en valeur, pas la technique pour y parvenir. C’est aussi sur le produit que doit porter la réglementation. Aujourd’hui, on parle de CRISPR-Cas9, mais demain, il s’agira peut-être d’une autre technique assez proche. Les sélectionneurs ont besoin d’une clarification sur le plan réglementaire pour pouvoir opérer.
Propos recueillis par Blandine Cailliez(1) Union française des semenciers.
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