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C’est son avis « Les sols sont porteurs de solutions pour notre planète »

Pédologue à l’Inra et à AgroParisTech, Claire Chenu place les sols au cœur d’enjeux de dimension planétaire, comme la sécurité alimentaire et la séquestration du carbone. Selon elle, il faut construire une véritable politique des sols.

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Un scandale que d’artificialiser de bonnes terres !

Les sols sont des partenaires indispensables pour les agriculteurs, car il n’y a pas de production végétale ni animale sans eux. Si bien que leur implication dans la sécurité alimentaire semble évidente.

En France, l’artificialisation est la principale menace pesant sur les sols. La construction de centres commerciaux à perte de vue sur les meilleures terres cultivables est un scandale absolu. Je pense nécessaire la prise en compte de la qualité des sols dans l’aménagement, par exemple dans les PLU et les Scot. Caillouteux ou argileux – je schématise –, les sols n’ont pas tous les mêmes qualités.

Des réservoirs de biodiversité

Avant de construire, il faut se poser la question des « services » que rendent les sols et que nous attendons d’eux. Aujourd’hui, on construit surtout là où les sols sont les plus intéressants sur le plan agronomique, près des villes et souvent là où c’est plus facile à bâtir. Comment faire autrement et limiter l’imperméabilisation des sols ? Il y a ici une vraie marge de manœuvre que certaines collectivités locales commencent à prendre en compte. Pour cela, il faut des outils.

Il faut construire une politique des sols. Urbains, agricoles, forestiers, et de zones humides : tous sont à prendre en compte. Notre profession est mobilisée pour faire connaître les sols et défendre leur cause. Nous pouvons caractériser les sols des communes, des cantons, et réfléchir aux conséquences qu’il y a à construire ici et pas là, prévoir des zones d’infiltration. Sécuriser la ressource en sols induira d’autres sécurités essentielles.

Nous avons tout intérêt à réfléchir à des approches positives. Il est très utile, par exemple, de définir quels services rendent les sols. Non pas pour les « mettre dans un musée », mais parce que nous dépendons d’eux. Ce sont des réservoirs de biodiversité où vivent 25 % des espèces de notre planète décrites jusqu’ici, et 70 % de nos antibiotiques sont fabriqués par des micro-organismes isolés dans les sols. Ils accueillent les pluies, les stockent, transmettent l’eau aux nappes ou la laissent ruisseler.

Des pompes à CO2 puissantes

Les sols du monde contiennent trois fois plus de carbone que notre atmosphère. Ils peuvent être des pompes à CO2, et contribuer à freiner l’augmentation de l’effet de serre (1).

Les sols font partie des solutions. Ils peuvent stocker davantage de carbone, et héberger plus de biodiversité, tout d’abord au bénéfice de leur fertilité et avec, en cobénéfice, un effet sur le climat.

Plusieurs pratiques agricoles permettent d’enrichir les sols en matière organique et d’en stimuler l’activité biologique : des cultures intermédiaires et des plantes de couverture, de l’enherbement dans les vignes et vergers, la valorisation de produits résiduaires organiques comme les composts urbains, etc. Une gestion durable des sols est possible, là encore qu’ils soient agricoles, forestiers ou urbains, et nous avons tout intérêt à y réfléchir et à la mettre en œuvre.

Alexie Valois

(1) En augmentant, selon l’Inra, la matière organique des sols agricoles, chaque année, de 4 grammes pour 1 000 grammes, on serait capable de limiter la croissance actuelle des émissions de CO2. C’est ce qu’on appelle l’initiative française « 4 pour 1 000 » : http://4p1000.org/

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