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C’est son avis « Réhabilitons les plantes sauvages comestibles »

Ethnobotaniste, François Couplan (1) est un spécialiste des utilisations traditionnelles des plantes sauvages et cultivées, qu’il a étudiées sur les cinq continents. Il estime que l’homme vit au milieu d’un garde-manger et qu’il peut mieux valoriser ce qui vient de la nature.

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Intérêt renaissant

Au sein du grand public et chez certains professionnels, l’intérêt pour le végétal et les plantes sauvages continue de se développer. De nombreuses personnes redécouvrent leurs qualités gustatives et nutritionnelles. Des chefs cuisiniers explorent, plus ou moins adroitement, leurs textures et leurs saveurs. Où que l’on soit sur notre planète, il y a des plantes nourricières et une tradition pour se nourrir avec. Ces végétaux comestibles ont suffi à l’humanité et aux groupes de chasseurs-cueilleurs pendant des millions d’années.

Une tradition au Japon

Traditionnellement, chez les Inuits et les Massaïs, la consommation de plantes sauvages se fait dès que possible. Les Touaregs mangent 25 % de ce qui pousse autour d’eux, soit une centaine de plantes différentes. Au Japon, tout le monde connaît ces plantes et en consomme : araliacées, astéracées, ail sauvage, stellaire, lierre terrestre, pousses de bambous, etc. Des paysans cultivant du riz vont les cueillir, et les vendent ensuite. Pour une fête traditionnelle, début janvier, les Japonais préparent la « nanakusa gayu », une soupe de riz aux sept herbes, qu’ils vont ramasser ou acheter au supermarché. Au printemps, ils mangent les « sansai », qui signifie littéralement « plantes de montagne ». Les Crétois cueillent aussi des plantes sauvages. Leur régime alimentaire est basé sur une consommation massive de chicorée épineuse, d’amarantes, de fenouil, de mauves…, que des femmes descendant des montagnes vendent, d’octobre à juin, aux marchés.

Cadeau de la nature

Chez nous, ces traditions ont disparu. Dans les années 1980, j’ai interrogé des anciens dans les villages du Mercantour (Alpes-Maritimes). Ils me parlaient facilement de l’usage médicinal des plantes, mais avaient honte de montrer celles que l’on peut manger. Pour beaucoup, consommer des plantes sauvages est un « truc de pauvres ». Manger de la soupe d’ortie, accepter les cadeaux de la nature, a été dévalorisé. Prétendre à un statut social supérieur implique de se nourrir de produits raffinés, transformés par la culture, le génie humain. C’est oublier que toutes les plantes cultivées sont au départ des plantes sauvages. Le quinoa est un chénopode andin de la famille des épinards, cousin de nos chénopodes blancs que l’on arrache… L’ortie contient huit fois plus de vitamine C que l’orange, trois fois plus de fer que les épinards, du calcium, du magnésium, et jusqu’à 9 % de protéines équilibrées en acides aminés essentiels. L’égopode et la berce ont aussi une teneur importante en protéines.

De nouveaux débouchés

Quelques maraîchers sont à l’écoute de la demande des restaurateurs et des consommateurs, de nouveaux débouchés. Selon moi, cultiver des plantes sauvages ne rime à rien. Nous ne sommes jamais loin de la nature, elle est partout. Il est, en revanche, essentiel d’expliquer aux gens comment et quoi cueillir. Cela peut commencer par la recherche sur son terrain des plantes que l’on peut consommer. Comme le plantain, par exemple, dont je fais un excellent pesto. Du kanzo, une hémérocalle ornementale et comestible, je mange les jeunes pousses, boutons et fleurs…

Alexie Valois

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