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C’est son avis « Se faire aider rend fort »

Le docteur Jean-Jacques Laplante, directeur du pôle Santé de la Mutualité sociale de Franche-Comté jusqu’au 1er avril dernier, travaille de longue date sur le mal-être des agriculteurs. Il vient de participer à une étude sur les conditions de travail des exploitants du département.

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2 500 questionnaires

Nous voulions réaliser un état des lieux auprès de tous les non-salariés de l’agriculture sur le burn-out (épuisement émotionnel) et le désespoir (proche de la dépression). Sur les 11 000 exploitants de Franche-Comté, 2 500 ont répondu en 2016 à notre questionnaire. Entre 12 et 16,5 % des exploitants ont un degré élevé de désespoir. Les plus exposés sont : les personnes autour de la cinquantaine, les femmes, ceux qui vivent seuls, ceux qui sont dans une région isolée, ceux qui ont de faibles revenus. En revanche, ceux dont la femme travaille à l’extérieur, ceux qui sont en bio, qui ont une activité d’accueil, les exploitants qui ont un mandat électif (professionnel ou non), ceux qui adhèrent à des structures collectives (Cuma, coopérative, groupe de développement) sont mieux préservés.

Le soutien de ses pairs

La charge de travail, le manque de temps sont les facteurs les plus stressants, suivis des inquiétudes financières, des incertitudes sur l’avenir, des conflits familiaux ou entre associés. Ceux qui sont soutenus par leurs pairs s’en sortent mieux. À l’époque de la vache folle, ceux dont les troupeaux étaient atteints allaient moins mal quand leurs copains de lycée, de groupe, de Cuma les soutenaient. Il n’est pas bon de se sentir isolé, mal jugé par la profession. Le soutien de la famille aide et, plus encore, l’assise professionnelle.

Des filets de protection

Nous avons restitué ce travail devant des éleveurs, par petites régions. Nous essayons d’accompagner les personnes en souffrance mais aussi de dire ce qui va et ce qui ne va pas. Nous avons souligné que la solidarité, organisée dans la société française, même si elle n’est pas parfaite, est assez exceptionnelle. Elle n’existe pas dans beaucoup de pays. Avant l’« Obama care », 50 millions d’Américains n’avaient pas de protection sociale. Chez nous, il y a une redistribution. Certes, on paie des cotisations. Mais quand cela va mal, il existe des prestations. À la MSA, pour les non-salariés, pour 1,1 € de cotisation, il y a 3 € de prestation. C’est légitime au titre de la perte de population agricole depuis cinquante ans.

Les médecins, en cas d’épuisement professionnel, peuvent, s’ils la jugent adaptée, établir une prescription d’arrêt de travail. Parfois, il faut du répit. Il y a aussi la possibilité de prise en charge psychologique, en faisant appel aux cellules MSA de prévention du suicide. Parler avec un psychologue, c’est prendre du temps pour soi et soulager ses proches qui, souvent, ne savent plus quoi faire face à celui qui souffre. Ceux qui savent se faire aider sont plus forts dans l’adversité.

Mettre en contact

Comment atteindre ceux qui s’éloignent du monde ? Leurs proches peuvent les aider en les mettant en contact avec un groupe de collègues qu’ils apprécient, la MSA ou une association d’entraide comme Solidarité Paysans. Les services de remplacement permettent aussi de prendre du répit. Nous tentons actuellement, en Franche-Comté, d’organiser pour ceux qui le veulent des sessions d’Agrisport : des marches « déstressantes » ou du vélo ensemble, pour échanger, avec le soutien d’un professeur de sport.

Marie-Gabrielle Miossec

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