C’est son avis Non, les « agridiffs »ne sont pas condamnés !
Elisabeth Saint-Guily, doctorante en économie rurale à l’ISA Lille (école d’ingénieur en agriculture), étudie les trajectoires de 100 agriculteurs ayant vécu des gros coups durset qui ont trouvé des solutions avec l’association Solidarité Paysans.
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Parcours du combattant
J’ai travaillé dix ans dans l’accompagnement d’exploitants en difficulté avec l’association Arcade, antenne de Solidarité Paysans dans le Nord-Pas-de-Calais. Avant de nous contacter, ces exploitants avaient d’abord erré de conseillers en avocats, de techniciens en coachs, et de médecins en rebouteux… Non seulement ils avaient enduré des démarches épuisantes – un vrai parcours du combattant – mais en plus, ils n’avaient pas résolu leurs problèmes ! Chaque expert ne pouvant apporter qu’une parcelle de la solution.
Démêler petit à petit
Les exploitants sont pourtant très entourés par les organismes professionnels agricoles historiques. L’inconvénient est que ces derniers sont cantonnés à des domaines d’expertise. Or pour des agriculteurs en difficultés, il est nécessaire d’avoir une vision globale de la situation. Il faut pouvoir identifier les réalités économiques, techniques et humaines, et leur cortège de souffrances psychologiques pour les démêler petit à petit. C’est un vrai travail d’ingénieur, compliqué et passionnant, que de traiter ces dossiers.
Personne ne sait à l’avance qui va s’en sortir
Les experts du secteur marchand peuvent rechigner à s’occuper de ces cas en difficulté. Soit parce qu’ils sortent de leur champ de compétence, soit parce qu’ils ont peur de ne pas être payés. C’est compréhensible. Et c’est pourquoi il faut des fonds publics pour accompagner les agriculteurs en difficulté, qu’ils soient solvables ou pas. Et même si leurs « chances » de s’en tirer semblent infimes ! Je suis convaincue, après dix années d’expérience, que non, les « agridiffs » ne sont pas condamnés ! Il y a une grande diversité de situations et de trajectoires. Personne ne sait à l’avance qui va s’en sortir. Ce n’est pas une science exacte.
Conseillers désintéressés
L’aide publique doit être accessible à tous. Par le biais de structures d’accompagnement aux compétences multiples, prêtes à s’engager dans la durée. Comme Solidarité Paysans ou d’autres associations. L’important à mes yeux est qu’elles soient indépendantes des créanciers. Dans les organismes professionnels agricoles, on parle souvent de « partenaires » des agriculteurs. C’est oublier que certains de ces partenaires sont aussi des créanciers. Avec leurs intérêts propres !
Processus long
Il existe une grande diversité de situations et de trajectoires chez les agriculteurs en difficultés. Mais pour tous, la sortie de crise se fait lentement. Depuis le premier choc, l’appel à l’aide, le diagnostic partagé jusqu’à la mise en place d’une stratégie de changement, il se passe de longs mois, voire plusieurs années. La résilience, qui permet de restaurer l’exploitation en difficulté, est un processus long fait de cycles successifs de chutes et de rebonds. D’où l’importance d’un accompagnement dans la durée.
Sophie BergotDispositif Agridiff : aides aux exploitations agricoles en difficulté.
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