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C’est son avis « Au principe de précaution, je préfère celui de l’expérimentation »

Bruno Molle est responsable de la plateforme de recherche et d’expérimentation pour l’irrigation à l’Irstea (1) de Montpellier. Il teste la réutilisation en agriculture des eaux usées traitées, dans une logique de substitution de ressource dans les zones sous tension.

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Pathogènes divisés par cent

La réutilisation en agriculture des eaux usées traitées soulève de nombreuses questions. Quels sont les risques sanitaires liés à la consommation des produits, et pour les personnes travaillant sur les parcelles ? Quel peut être l’impact sur l’environnement ? Les investigations que nous faisons en tant que chercheurs permettent d’éclairer, de répondre aux interrogations, et de rassurer sur notre capacité à atténuer les risques.

Pour nous, la question des pathogènes n’est pas bien posée. Il faut bien sûr les réduire en amont par le traitement, mais aussi tenir compte de la capacité du système agricole à les diminuer de façon très efficace.

Nous explorons plusieurs pistes prouvant la sécurité de l’arrosage des cultures avec des eaux usées traitées. Comme cette expérience prometteuse : dans un tunnel, nous fabriquons du vent. Nous plaçons un arroseur et des capteurs permettant de récupérer des échantillons de bactéries contenues dans l’eau projetée jusqu’à 40 mètres. Nous constatons que la concentration des agents pathogènes peut être divisée au moins par cent. En contact avec l’oxygène de l’air, et les variations de température, ils meurent. Cet abattement du taux de bactéries équivaut à un traitement tertiaire en sortie d’une station d’épuration.

Préserver le voisinage

À l’extérieur des parcelles irriguées, l’aspersion avec des eaux usées ne risque-t-elle pas d’atteindre les habitations alentour ? Nous avons quantifié, au sein des grandes familles d’arroseurs existant sur le marché, les gouttes susceptibles de se disperser selon la vitesse du vent, et jusqu’où elles peuvent se déposer. Cela a permis de fixer des limites réglementaires. Ne pas arroser si le vent est fort est une contrainte pour les agriculteurs, mais c’est aussi le prix de l’acceptation par le reste de la population. Autres possibilités : l’irrigation localisée, le goutte-à-goutte et la micro-aspersion, à portée faible, sous frondaison. Ces conditions étant favorables aux bactéries, nous étudions également la possible recroissance des pathogènes humains dans les conduites et les goutteurs.

Moyennant des pratiques adaptées, ce n’est pas une utopie de réutiliser les eaux des villes, notamment pour développer l’agriculture urbaine et périurbaine. Un traitement de l’eau raisonné permettrait de conserver les nutriments. Cela impose un contrôle plus strict et, pourquoi pas, de donner aux agriculteurs les moyens de vérifier à la parcelle ? Ces eaux usées sont riches en azote organique, qui est bien assimilé par le sol.

Une réalité dans la Huelva

Les producteurs de fraises primeur de Huelva, en Espagne, irriguent avec 25 % d’eaux provenant des stations d’épuration, sans que cela pose de problème sanitaire ni phytosanitaire.

L’agriculture a la capacité, en mélangeant différentes sources d’eaux, de diminuer les prélèvements dans les rivières et capter l’azote ou le phosphore présents dans les eaux usées pour nourrir les plantes. Dans les zones tempérées mais sous tension, cette forme de recyclage est un excellent moyen de protéger les ressources de bonne qualité.

Propos recueillis par Alexie Valois

(1) Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.

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