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C’est son avis « L’alimentation territoriale se décide collectivement »

L’économiste Philippe Langevin (1) s’intéresse aux solutions pour préserver l’agriculture périurbaine. Il a étudié la mise en place d’un projet alimentaire territorial (PAT) dans les Bouches-du-Rhône (2) et rappelle que les producteurs ne peuvent agir dans ce sens tout seuls.

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Résister à la pression foncière

Chaque territoire a la capacité d’inventer des solutions intéressantes. En matière d’agriculture périurbaine et d’alimentation territoriale, il est évident que nous devons nous inspirer de ce qui se fait déjà, et mutualiser les compétences. On ne part pas de zéro. Il existe des Amap, des épiceries paysannes, des jardins solidaires, etc., mais tous travaillent de façon isolée. Je soutiens que nous devons créer un réseau d’acteurs qui seront les promoteurs d’un projet alimentaire territorial plus lisible, mieux partagé et mieux compris. Les initiatives de terrain permettront de lancer un projet cohérent.

Autour de nos communes des Bouches-du-Rhône, en vingt ans, la moitié des espaces cultivés ont été soustraits de l’activité agricole. À proximité des villes, le territoire est perturbé par les infrastructures industrielles, l’aménagement de logements et de routes. Dans ce cadre, préserver des terres pour nourrir la population environnante (2 millions d’habitants) est un défi. La main sur le cœur, les élus disent qu’il est essentiel de maintenir l’agriculture locale. Ils ne voient que des avantages dans une alimentation de proximité et de qualité. Tous sont d’accord, sauf que la pression foncière continue d’augmenter et la résistance des maires est parfois très élastique… Le conflit sur l’utilisation du foncier n’est donc pas un problème uniquement agricole, mais bien un problème de société.

Zones agricoles protégées

Un projet alimentaire territorial n’est possible que s’il est partagé par tous les habitants. On ne peut pas demander aux producteurs de faire tout le chemin tout seuls. Après, tout, il s’agit de développement économique local, donc le sujet est politique. Nous devons expliquer aux consommateurs les bienfaits de l’alimentation de proximité. Mais aussi, dans l’intérêt général et après avis des communes, inciter l’État à mettre en place des zones agricoles protégées, des servitudes d’utilité publique. Quelques municipalités ont déjà réservé des terres pour l’agriculture périurbaine, certaines ont acheté des parcelles afin de permettre l’installation d’un agriculteur. Ailleurs, des aides publiques pourraient amener les propriétaires de terres en friche à louer leurs parcelles, par exemple à des maraîchers.

Pour le plus grand nombre

Ne tombons pas non plus dans le « localisme », nous continuerons à manger des bananes ! Et, en termes de commercialisation, un producteur ne peut pas être uniquement le fournisseur d’une cantine ou d’un hôpital. Son exploitation doit avoir des débouchés divers. L’agriculture est avant tout l’économie du concret. L’équilibre reste à trouver. Mais dans notre département, seuls 10 % des fruits et légumes sont consommés sur place. Nous pouvons faire mieux. La tarification est sans doute à redéfinir, étant pour l’heure peu accessible aux populations précarisées. Un projet alimentaire territorial doit être attentif à ne pas réserver l’agriculture locale qu’à ceux qui ont un pouvoir d’achat important.

Propos recueillis par Alexie Valois

(1) Maître de conférences, retraité, à la faculté d’économie et de gestion Aix-Marseille université.

(2) À l’automne 2016, la métropole Aix-Marseille Provence a délibéré en faveur de la mise en œuvre d’un PAT, qui est en cours de construction.

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