Le billet Jaune fluo

Le mouvement des « gilets jaunes » marquera sans doute l’histoire européenne du début du siècle. L’émergence d’une force populaire qui fait fi des résultats électoraux, des codes huilés des représentations, au profit de nouveaux rituels contestataires. Les élections, vaines, les manifestations, trop convenues, ont laissé place aux blocages des ronds points, avec feux de palettes et thermos de café chaud. La vague est là, avec, hélas, l’écume des casseurs.

Le mouvement a été décortiqué dans tous les sens, mais curieusement, les commentateurs n’ont guère fait attention au symbole : le gilet jaune et pas n’importe quel jaune, jaune fluo. Le gilet est porté par les ouvriers qui travaillent sur les chaussées et par les naufragés de la route. Quand un automobiliste est en panne, il sort de sa voiture avec son gilet jaune. On ne choisit pas un symbole par hasard. Le jaune fluo a une fonction : être vu. Ce jaune uniforme est un repère idéal pour la télévision et internet. Le gilet jaune exprime ce besoin, cette nécessité de sortir de l’anonymat, de l’invisibilité. Y avait-il péril ? Assurément. Toute une France a été délaissée, négligée, dédaignée. Par tous. Et pas seulement par les politiques mondialistes mais par les médias, obnubilés par les people et les bimbos des téléréalités consternantes. Ce n’était pas seulement une histoire d’audimat. Il y avait une logique politique à cet abandon, une compétition dans le mal-être que cette France discrète était en train de perdre.

Dans un livre terrible sur le grand abandon des élites françaises face à l’islamisme, un ancien journaliste du Monde, Yves Mamou, évoque ce déclassement : « Les classes populaires françaises, blanches, de souche, n’ont pas disparu de la vie politique, mais elles ont été rendues invisibles par les médias pour ne pas ôter aux immigrés le monopole de la souffrance et de la victimisation. » Les gilets jaunes ont rendu visible cette France invisible. Si seulement ce pouvait être compris.