Le billet Pinault, le paysan

François Pinault. Breton, parti de l’école à 16 ans, marchand de bois à ses débuts, comme son père, mais le nez fin et doué pour les affaires. Quand il sent que le marché du bois va s’effondrer, il annule ses contrats d’importation et rachète les entreprises forestières quand elles ne valent plus rien. Lorsqu’il vend sa société, il place l’argent dans le sucre juste avant la flambée et empoche une belle plus-value qui lui permet de racheter son entreprise au tiers du prix qu’il l’a vendue. Il se spécialise alors dans le rachat d’entreprises en difficultés et poursuit sa conversion spectaculaire vers le commerce et le luxe. La panoplie du succès est impressionnante : le magasin le Printemps, Yves Saint-Laurent, le site de ventes aux enchères Christie’s, le joaillier Boucheron… « What else ? » Ah si, encore quelques détails : 27^e fortune mondiale, collectionneur d’art moderne et petit-fils de paysan.

C’est sa seconde femme, antiquaire, qui le sensibilise au monde de l’art. Le plouc breton, comme il le revendique, commence à regarder la peinture et rencontrer les artistes. Cela deviendra une passion. Il vient d’ouvrir un musée d’art moderne à Paris et raconte que le premier tableau qu’il a acheté était celui d’une femme dans une cour de ferme. Le nom donné par l’artiste, Paul Sérusier, un breton lui aussi, était simplement Cour de ferme, mais quand Pinault en parle, il dit : « Femme dans une cour de ferme » car il lui rappelait sa grand-mère. « Je l’ai gardé comme un talisman », ajoute-t-il. Pourtant, « je ne me retourne pas. La nostalgie ne m’intéresse pas. Mais je me souviens de ma grand-mère paysanne ».

L’art moderne est exigeant. Il faut avoir l’humilité de regarder plusieurs fois. Ce nouveau musée lui a coûté « une blinde » comme il dit. Mais il faut oublier le prix. « Quand on sent qu’on peut agir, faire bouger les choses, il faut oser. » Qui ose vaincra. Mais lorsqu’il accueillera ses hôtes sur le pavé du parvis de son musée, il se souviendra sans doute de la boue de cette cour de ferme.