par Louis Goupilleau (1)(Loiret) par Louis Goupilleau (1)(Loiret)
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La France d’en bas, c’est aussi celle de nos campagnes profondes, dépourvues de services publics, qui voient dans le même temps les commerces disparaître les uns après les autres. Celle des communes rurales, caractérisées par un fort vieillissement et une population aux revenus modestes, rongées par une dévitalisation de leurs bourgs avec l’éloignement des bureaux de poste, des écoles et des maternités. Ces contrées où il n’y a pas d’alternatives à la voiture pour se déplacer et qui, du coup, prennent de plein fouet le relèvement de la fiscalité écologique sur les carburants. Une image de cauchemar pour bon nombre de nos maires ruraux en grandes difficultés, face aux besoins de leurs administrés !
Le bilan global d’une France rurale serait devenu positif ! Le faire croire, c’est occulter la très grande hétérogénéité du pays, tant la trajectoire d’évolution est différenciée selon les zones. Ne pas confondre les cantons périurbains ou touristiques avec ceux, sans perspectives, qui sont sur la pente du vide. Ces zones frappées par un deuxième exode rural, avec la diminution constante des actifs agricoles et la disparition progressive des activités artisanales et industrielles, qui entraîne celle des services publics.
C’est ce qu’explique Christophe Guilluy, théoricien de la « France périphérique » à propos des effets de la mondialisation, en nous rappelant le rôle joué autrefois par l’industrie qui « avait une vertu aménageuse ». La richesse était mieux répartie sur le territoire, alors qu’aujourd’hui l’industrie est délocalisée et les activités tertiaires se concentrent « dans les cœurs palpitants des grandes métropoles ». Comme l’exprimait récemment Érik Orsenna, si on laisse faire, il n’y aura que des métropoles, une ruralité désertée et des centres-villes vides. « Or, la France a besoin de tous ses territoires. » Rien d’étonnant donc si pour tous nos concitoyens – d’après l’enquête de l’Ifop pour les Familles Rurales –, les campagnes arrivent en tête des territoires délaissés, avant les banlieues et les villes, petites et moyennes. Si vivre à la campagne représente « l’idéal » pour la majorité des Français, l’attractivité des territoires repose sur les services de proximité, l’emploi et la mobilité. Cette enquête révèle surtout une prise de conscience de nos compatriotes du mouvement d’abandon qui atteint aujourd’hui une grande partie du territoire rural… et qui risque de s’accentuer avec la menace de fermeture de lignes secondaires, faisant ainsi apparaître de nouvelles zones blanches privées d’une offre de mobilité durable. Une situation incompréhensible. D’autant que depuis un demi-siècle, la ruralité a été le thème favori de la plupart de nos politiques.
Si l’essor de la ruralité devait s’apprécier au nombre de discours qui lui ont été consacrés, nos campagnes devraient aujourd’hui être les mieux pourvues ! C’était sans compter sur l’opinion bien ancrée de la haute fonction publique et de certains « spécialistes », pour lesquels le déclin des zones rurales fait partie de ces évolutions inexorables. Impossible dialogue entre la France et ses élites qui fait que toute politique en la matière est devenue un combat d’arrière-garde perdu d’avance, que se dessine peu à peu une France à deux vitesses et que se crée une fracture territoriale ! Oui, le développement rural est bien un rendez-vous manqué.
(1) Auteur du livre « Nos paysans, dernier rempart contre la désertification et la malbouffe », Éditions Sydney Laurent.
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