Une agriculture fortepour un pays fort Une agriculture fortepour un pays fort
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«Il n’y a aucun pays au monde, pas un, il n’y a aucune civilisation au monde, pas une, qui n’a pas été forte sans avoir une agriculture forte. » Ce rappel du ministre de l’Agriculture sur l’antenne d’Europe 1 n’est pas inutile dans un contexte où certains ne cessent de cogner sur le secteur agricole et, ainsi, de l’affaiblir. Pour les enfants gâtés que sont les Européens, l’alimentation est devenue une évidence, même en période de confinement. Selon un sondage de la Commission européenne, près de deux tiers d’entre eux pensent d’ailleurs que la finalité première de la Pac doit être de fournir des aliments sains et de haute qualité. Mais pour d’autres êtres humains sur la planète, pouvoir s’alimenter chaque jour est d’abord une question de survie. Selon l’ONU, la faim touchait dans le monde 690 millions de personnes en 2019, soit un humain sur onze. Et la situation devrait s’aggraver en 2020 en raison du Covid-19. Le prix Nobel de la paix que vient de recevoir le Programme alimentaire mondial (Pam) n’est donc que juste récompense. L’an passé, il a distribué 15 milliards de rations à 97 millions de personnes dans 88 pays, notamment en zones de conflits, que ce soit par hélicoptère ou à dos d’éléphant ou de chameau. Mais si la guerre est l’une des principales causes de la famine, l’alimentation est une véritable arme, même en temps de paix.
Le Pam est d’ailleurs né en 1961 de la volonté du gouvernement des États-Unis de soutenir son agriculture en rachetant les surplus de ses farmers et en les distribuant aux pays en développement. Au fil du temps, les Américains ont ainsi su jouer du « Food Power » pour asseoir leur influence dans le monde. Et si les farmers ont pâti de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, le pouvoir américain ne les a pas oubliés en cette année électorale (voir p. 14), en les arrosant de dizaines de milliards de dollars d’aides pour atténuer les impacts du conflit avec Pékin et ceux du Covid-19. De son côté, la Chine, qui doit nourrir 20 % de la population mondiale, reste fortement tributaire des importations et investit un peu partout sur la planète pour sécuriser ses approvisionnements. Quant à la Russie, elle fait tout pour redevenir une puissance agricole et a nettement accru sa production de céréales, dont les exportations lui permettent de jouer de son influence, notamment au Moyen-Orient.
L’alimentation reste donc un élément stratégique. Sébastien Abis qui, avec Pierre Blanc, analyse ces évolutions dans leur récent ouvrage Géopolitique de l’agriculture (1), déclare d’ailleurs que si les pays font tous un peu d’agriculture, « plus rares sont ceux capables de produire suffisamment pour leur sécurité alimentaire et de contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux ». La France en fait partie. Ne gâchons pas cette chance !
(1) Éditions Eyrolles
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