Quand la fiscalité écolo part en vrille Quand la fiscalité écolo part en vrille
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Au nom d’une cause noble, décarboner l’économie, on ne peut pas faire avaler n’importe quelle couleuvre aux Français. Avec la taxe carbone sur les carburants, dont l’augmentation a été annulée pour 2019, le gouvernement l’a appris à ses dépens et on voit mal comment il pourrait la relancer ultérieurement… Dès 2009, alors que cette taxe mijotait déjà sous la pression de Nicolas Hulot et que Nicolas Sarkozy voulait l’adouber, nous avions prévenu qu’elle était « un affront au monde rural » (*). Et que cette fausse-bonne idée conçue dans des sphères très urbaines allait se fracasser sur la réalité des dépenses dites contraintes (déplacements, chauffage). Comment, en effet, s’adapter au signal prix qu’est censée envoyer cette taxe, s’il n’existe pas d’alternatives décarbonées à portée de main ou si, pris dans les difficultés de fin de mois, on n’a pas les moyens de se les offrir ? Rien que pour les agriculteurs, on sait grâce à une étude de l’Insee (2015) que pour près d’un ménage sur deux, soit le poste carburant, soit le chauffage pèse très fortement dans le budget.
« C’est un leurre de penser qu’on peut faire changer les comportements par l’augmentation de la taxe sur le carburant, car les prix à la pompe dépendent aussi des prix du pétrole. Si ces derniers baissent, le signal prix n’existe plus et l’augmentation de la taxe perd aussitôt tout effet », expliquait récemment dans les colonnes de La Croix, Jean-Charles Hourcade, membre du Giec et directeur de recherche émérite au CNRS. Les Français ont, de plus, clairement vu l’entourloupe en réalisant que seule une petite partie de cette taxe (finalement alibi) allait revenir à la transition écologique !
Quelques parallèles pourraient être établis avec la redevance pour pollution diffuse phytos (RDP), qui a été examinée cette semaine à l’Assemblée et dont les curseurs étaient prévus pour sérieusement grimper. Sur le papier, elle serait supposée encourager des comportements vertueux. Sauf qu’à y regarder de plus près, les alternatives aux molécules visées ne sont pas toujours disponibles et que tout le monde n’est pas prêt à basculer en système bio (d’autant que ce mode de production traîne aussi son fardeau avec le très controversé sulfate de cuivre). Quand on ajoute la faiblesse récurrente des revenus agricoles ces dernières années, il est clair que l’arrivée d’une nouvelle surcharge fiscale, source de distorsions, ne peut qu’envenimer la situation… Décidément, la fiscalité écolo est bien mal pensée en France.
(*) La fessée carbone, édito du 17 septembre 2009.
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