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Accélérer la sortiedes pesticides, vraim Accélérer la sortiedes pesticides, vraiment ?

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C’est bien connu, les hommes politiques ont une certaine propension à adapter leur discours à l’auditoire. Dernièrement, le président de la République a utilisé cette vieille ficelle à propos des produits phyto. Ainsi, devant le congrès mondial de l’UICN (associations environnementales) réuni à Marseille, il a déclaré de manière bravache que la présidence française de l’Union européenne porterait une initiative forte de « sortie accélérée des pesticides ». Ces derniers mots ont leur importance. Une semaine plus tard, devant les jeunes agriculteurs à Terres de Jim, le propos était beaucoup plus mesuré et Emmanuel Macron y a livré une longue explication sur ses intentions, bien plus nuancée (1) : « On ne doit jamais réduire les phytos tant qu’il y a une impasse […] On ne va pas répondre à un objectif environnemental en fragilisant notre souveraineté alimentaire pour importer des produits qui seront produits ailleurs avec des normes moins exigeantes que les nôtres. » Et le Président de citer notamment certains fruits et légumes où, à force de vouloir laver plus blanc, « on a tué la production ». Dommage de s’en apercevoir seulement maintenant direz-vous, alors que c’était écrit et que le mal est fait…

Qui croire après cela ? Le Macron de l’UICN ou celui de Terres de Jim ? En fait, c’est bien sur le tempo, sur cette surenchère mala­droite que se situe le hiatus. Cela rappelle le tweet présidentiel sur le glyphosate où Emmanuel Macron s’était mis tout seul dans un corner pour promettre sa suppression. Car il n’est pas contestable aujourd’hui que les consommateurs rejettent de plus en plus les pesticides. Les agriculteurs ont d’ailleurs bien entendu le message envoyé par la société et cherchent à faire évoluer leurs pratiques pour réduire leur usage… quand c’est possible. Mais décréter une « sortie accélérée », c’est nier que l’agriculture est une affaire de temps long, que la recherche d’alternatives est toujours une œuvre compliquée et de longue haleine (regardez l’accouchement du dossier biocontrôle).

En revanche, on peut mettre à son crédit de vouloir traiter cette question au niveau européen, le seul échelon qui vaille. Ce qui ne préjuge pas de l’adhésion des autres États-membres qui jusqu’à présent se sont abstenus d’aller aussi loin sur ce terrain et de vouloir être les premiers de la classe, mis à part le Danemark (avec les conséquences fortes que l’on connaît sur sa production de céréales). Que l’on applique déjà des clauses miroirs aux produits importés serait avant toute chose un progrès (c’est annoncé comme une priorité de la présidence française) mais il y a loin de la coupe aux lèvres, comme le soulignait dernièrement l’APCA en juillet. Car les risques de mesures de rétorsion de la part des pays tiers sont bien réels. Dans ces conditions, l’aventure d’une sortie « accélérée » des pesticides semble donc pour l’instant bien hypothétique et peu réaliste…

(1) A partir de 33 min 30 : https://twitter.com/Elysee/status/1436334429446840326

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