De vrais paradis artificiels ? De vrais paradis artificiels ?
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Le développement tous azimuts de l’agriculture urbaine observé depuis quelques années a, sous de nombreux aspects, de quoi surprendre. Notamment lorsqu’elle prend la forme des fermes dites « verticales » faisant appel à une ribambelle de technologies sophistiquées, souvent critiquées lorsqu’elles sont appliquées par ailleurs. Dans ce domaine du hors-sol version 2.0 voire 3.0, constatons une certaine indulgence à l’égard d’un modèle complètement artificiel et qui vise l’hyperproductivité.
Pourtant, les paradoxes sont nombreux vis-à-vis de la demande sociétale actuelle : absence de sol, nutrition des plantes par des solutions réglées par ordinateur, aseptisation du milieu ambiant, atmosphère régulée, éclairage permanent par led, consommation électrique énergivore. Au total, les racines ne voient donc jamais de terre et les plantes jamais le soleil. On n’est pas vraiment dans le « naturel » si souvent mis en avant dans les médias ! Ni à une contradiction près... Mais c’est « tendance ».
Si jusqu’à présent, ça passe sur le plan de la perception, c’est parce que leurs promoteurs jouent sur la corde sensible de la proximité et de la fraîcheur. Ici, le circuit est censé être court et favoriser le goût. L’ambiance étant contrôlée, ceux-ci mettent aussi en avant l’absence de pesticides (zéro fongicide, herbicide, insecticide). C’est sur ce registre que table depuis plus de deux ans le grossiste Metro sur son site de Nanterre, avec un potager indoor de 80 m2. Géré par l’entreprise Infarm, il produit à destination des restaurateurs des herbes aromatiques cueillies seulement à maturité. Le concept semble plaire aux investisseurs puisqu’Infarm a levé 300 millions d’euros et qu’elle fournit maintenant d’autres grandes enseignes.
Mais la vraie question à poser, c’est « à quel coût tout cela » ? Et pour quelle rentabilité ? Et c’est souvent là, sur la compétitivité, avec des surfaces limitées à quelques milliers de mètres carrés, que le bât blesse, comme en témoigne certaines faillites retentissantes, à l’instar de celle d’Urban Farmers (La Haye). Il s’agissait d’une des plus grandes fermes en toiture d’immeuble d’Europe, qui misait sur la synergie entre légumes et production piscicole (aquaponie). À 2 250 €/m2 de coût d’installation, Urban Farmers vendait sur les marchés locaux ses tomates entre 6,5 et 8 €/kg contre 2 €/kg chez les concurrents traditionnels.
S’il est compréhensible que des pays n’ayant pas ou peu de terres agricoles comme Singapour ou le Japon investissent dans cette agriculture artificielle, on peut s’interroger sur le cas d’autres pays beaucoup mieux dotés comme la France ou les États-Unis.
En tout cas, il ne faudrait pas se leurrer sur la capacité nourricière d’un tel modèle...
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