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Bio Ils redonnent vie à une ferme en déclin

Malgré les difficultés économiques initiales, Karine et Guillaume Turquois tentent de sauvegarder la ferme familiale grâce au bio et à la transformation.

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Dans la cour de la Ferme du Joyeux laboureur, à l’ombre du mûrier et des pierres en tuffeau, Karine et Guillaume Turquois ont le sourire. Le point de vente de l’exploitation devrait bientôt ouvrir. Installé près de Chinon, en Indre-et-Loire, ce couple de quadragénaires développe une activité de transformation de pâtes, farines et légumineuses. Les résultats économiques de cette première année sont positifs et encourageants. Pourtant, il y a quelques années cette « petite » ferme était vouée à disparaître.

80 % du matériel en Cuma

Dans les années soixante-dix, Alain, le père de Guillaume, et son frère élevaient des vaches allaitantes sur 35 ha de prairie et 60 ha de cultures. Le Gaec a été démantelé dans les années quatre-vingt-dix et Alain a pris sa retraite en 2007. Se pose alors la question de la destination de la ferme. « Toute ma vie, j’ai vu mon père rencontrer des difficultés financières. À la fin de sa carrière, il ne pouvait pas se rémunérer », souligne Guillaume. À l’époque, ce dernier est à la tête de son entreprise du paysage et emploie trois salariés. « Mais il y a un attachement sentimental à ce bien familial. C’est ici que j’ai grandi, je représente la quatrième génération… Nous avons décidé de garder ce patrimoine pour essayer de lui redonner vie. »

 

L’équitation est une passion familiale. Les chevaux valorisent les 35 ha de prairie. © Aude Richard

Guillaume obtient 40 ha de terre cultivable d’un voisin. Il remplace les vaches par une quinzaine de chevaux, une passion familiale, et mène ses deux activités de front, avec son père en appui. En 2012, il embauche un salarié, Jonathan, pour s’occuper des céréales. « Même si la ferme était tout juste rentable, je ne conçois pas le travail sans rémunération. » En dix ans, Guillaume redresse l’exploitation et atteint l’équilibre financier, sans bénéfice. Il continue sa réflexion : « Qu’est-ce que je dépense et qui ne me rapporte pas ? Pourquoi la matière première n’est-elle pas valorisée ? » Guillaume décide alors de réduire les intrants et de convertir la ferme en agriculture biologique, malgré le regard réprobateur de son père. « Cela correspondait mieux à mon état d’esprit. J’ai retrouvé le goût de l’agronomie. »

Le changement se réalise en même temps que cinq autres agriculteurs en conversion au sein de la Cuma de la Rabelaisie, qui compte 25 membres. Herse étrille, roto étrille, écimeuse, bineuse, trieur sont achetés en commun. 80 % du matériel de la Ferme du Joyeux laboureur est en Cuma. « C’est un luxe d’avoir à disposition autant de matériel et cela crée des liens », souligne Guillaume, président de la Cuma. Les techniques culturales changent : 3 faux-semis, désherbage mécanique, couverts multi-espèces… et le céréalier évolue sur l’apport d’azote. « Au départ, je ne comptais que sur les légumineuses. Mais je me rends compte que deux apports d’azote tous les sept ans sont vite rentabilisés. Mes rendements en blé oscillent entre 30 et 40 q/ha. »

Après le passage en bio, Guillaume et Karine décident de transformer leurs blés en farines et en pâtes. En 2018, ils rencontrent un agriculteur bio de leur secteur, Sylvain, qui vend son extrudeuse et son séchoir. C’est le déclic. Karine quitte son travail et s’occupe de la commercialisation. Ils investissent 180 000 € pour rénover l’ancienne écurie afin d’y implanter l’atelier et le stockage­, puis embauchent une salariée, Géraldine, pour la transformation.

Un atelier à la ferme

En même temps, ils commencent à produire et créer des recettes dans l’entrepôt de Sylvain. L’activité est lancée officiellement en février 2019. « C’est un concours de circonstances énorme. Tout s’est très bien enchaîné », se souvient Karine avec un grand sourire. Le 15 décembre 2019, l’atelier est installé à la ferme. Mais cinq jours plus tard, Karine et Géraldine sont victimes d’un violent accident de voiture. Souffrant de multiples fractures, Géraldine est arrêtée sept mois. Karine a la main cassée. Heureusement, le couple arrive à embaucher rapidement un salarié remplaçant pour maintenir l’activité. Trois mois plus tard, une autre épreuve les attend : le confinement. « Chez nous, la farine s’est très bien vendue. Le moulin tournait 24 h sur 24. Nous avons multiplié par dix les volumes, en produisant 240 kg par jour », ajoute Karine.

En quelques années, la ferme a trouvé un équilibre financier qui permet de rémunérer trois personnes. « L’idéal serait qu’un boulanger vienne s’installer à la ferme », envisage Karine. La belle ferme en tuffeau reprend vie.

Aude Richard

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