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Le salut de la banane durable Le salut de la banane durable

Au Robert, sur la côte atlantique de la Martinique, Daniel Nouvet cultive une banane respectueuse de l’environnement.

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Dans la bananeraie de Daniel Nouvet, les moustiques sont à l’attaque. « C’est l’inconvénient du retour de la biodiversité », plaisante l’agriculteur martiniquais. Sous le hangar ouvert presque aux quatre vents, sauf à ceux de l’Atlantique, les régimes de bananes flottent dans des bacs remplis d’eau additionnée de sulfite d’aluminium. « C’est pour enlever le latex qui colle aux fruits après la récolte », explique Daniel Nouvet, 62 ans. Deux employées découpent les régimes en bouquets de cinq à sept fruits avant que le producteur ne les emballe avec un grand soin dans des cartons de 18,5 kg. « Celles-ci partent avec le nouveau label « banane équitable », ce qui me permet de les vendre à un meilleur prix. » Dans quelques heures, les colis seront chargés sur un cargo à Fort-de-France à destination de la métropole. Après un séjour dans une salle de mûrissage en banlieue parisienne, les bananes de Daniel Nouvet apporteront un souffle d’exotisme sur les tables de métropole.

Il n’est que dix heures et le soleil des Caraïbes tape fort. Dominique, l’un des deux salariés de l’exploitation, souffle quelques secondes dans l’ombre d’un manguier sauvage. Il vient de déposer un régime porté à dos d’homme depuis la bananeraie en contrebas : « Presque cinquante kilos, ça fait son poids », dit-il avec l’accent créole. Les quelque 8 000 bananiers s’étendent sur une parcelle en cuvette de 4,4 hectares d’un seul tenant. L’impression d’isolement est trompeuse. Au bord de l’océan Atlantique, Le Robert, troisième ville du département, est à moins de deux kilomètres.

« Je fais partie des plus petits producteurs de l’île, souligne Daniel Nouvet. Cette parcelle a été longtemps en jachère. Avec des collègues du CDJA (1), nous nous sommes battus pour obliger le propriétaire à louer les terres. » En 1978, l’agriculteur s’installe et, comme son père, il cultive de la banane pour l’un des groupements de producteurs martiniquais. « Pendant trente ans, j’étais dans un mode conventionnel où l’on utilisait toujours plus de produits phytosanitaires pour désherber et lutter contre les ennemis du bananier. En même temps, à cause de la baisse des prix, on gagnait de moins en moins notre vie. »

« Tout changer et tout réapprendre »

Sur l’île, les inquiétudes grandissent, la banane et ses pesticides sont dans le collimateur de la population. « En 2010, on commençait à parler d’agriculture raisonnée et de bio, se souvient l’exploitant. J’ai assisté à des réunions à la chambre d’agriculture et j’ai réalisé à quel point mes actions pouvaient avoir des conséquences dans la baie du Robert. Cela a été le déclic. Il fallait tout changer et tout réapprendre. » En 2012, l’agriculteur arrête les insecticides et les nématicides et, en 2015, les herbicides. Les bananiers ont désormais les pieds dans une herbe folle et ne s’en plaignent pas. La fin des sols nus a été la première révolution. « La vie organique revient. Il y a moins d’érosion et d’évaporation et on met moins d’engrais, se félicite Daniel Nouvet. Autrefois, le bananier s’épuisait en cinq années. Maintenant, j’espère le garder au moins dix ans. »

Entre deux plantations, l’agriculteur laisse son sol en jachère. Il sème une culture de brachiaria qui assainit la terre des nématodes et des charançons. Il plante moins serré : 1 800 bananiers à l’hectare contre 2 500 auparavant. À 3,50 euros le plant, c’est une économie de 2 450 euros par hectare. Le bananier gagne en vigueur et les rendements progressent d’une façon notable : de 28 tonnes à plus de 50 tonnes par hectare quand les conditions météorologiques sont idéales !

La série de cyclones qui a balayé la Martinique en 2017 et 2018, suivie d’une sécheresse exceptionnelle, a privé le paysan de l’entier bénéfice de sa révolution agronomique. En tant que petit producteur, il peut prétendre pour une partie de sa récolte au label « Banane française équitable » qui lui garantit un prix de 15 euros par colis d’environ 18 kg - contre 13 euros pour la « banane française » et 8 euros pour le fruit générique - auquel s’ajoutent les aides européennes. Daniel Nouvet table sur un prix de vente moyen de 13,50 euros pour espérer un revenu décent. « C’est en allant vers le bio que j’y arriverai, et en tirant la qualité de ma banane vers le haut », assure-t-il.

Jean-Paul Frétillet

(1) Centre départemental des Jeunes Agriculteurs.

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