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Gîte et couvert pour la petite faune des Gîte et couvert pour la petite faune des plaines

Depuis son installation il y a vingt-trois ans, Benoît Chevron raisonne son exploitation de grandes cultures pour que lièvres, perdrix et autres passereaux y vivent.

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Dans la cour pavée de Benoît Chevron, une meute de chiens accueille les visiteurs à grand bruit. Ce passionné de chasse, âgé de « bientôt cinquante ans », a repris en 1995 la ferme familiale à Villiers-Saint-Georges, en Seine-et-Marne. Avec sa femme, il conduit 380 hectares de cultures de vente : blé, betteraves, maïs, colza, orge, lin fibre. Revenu travailler sur la ferme en 1991, Benoît est « pour ainsi dire, né avec la réforme de la Pac », confie-t-il.

Environ 200 hectares sont drainés. Le parcellaire est compliqué. « Je ne sais pas à quoi ressemble un champ rectangle », sourit-il. Pour répondre à l’obligation des jachères, mise en place dans la Pac de 1992, Benoît a l’idée de transformer ses pointes en surfaces non productives. « Pour des raisons économiques, je voulais utiliser au mieux mes champs, tout en aménageant des endroits propices à la faune », raconte celui qui est aussi président de la fédération départementale de la chasse.

L’exploitation se situe dans le périmètre de trois captages : eau de Paris depuis 2011, l’Ancœur et Dagny depuis 2014. L’assolement a été revu, pour réduire les désherbages et baisser l’indice de fréquence des traitements (IFT), afin de tenir les engagements d’une mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC), contractée en 2015. Lors de la dernière campagne, les IFT étaient inférieurs de 40 à 50 % à la moyenne territoriale, notamment grâce à la quasi-absence des insecticides dans ses traitements.

Des zones favorables à la faune

Un tour de plaine suffit à repérer la présence de la petite faune. Plus rare, en s’approchant d’un bout de champ inondé et aménagé par Benoît, quatre bécassines et un couple de sarcelles s’envolent. Son salarié raille gentiment ces efforts fournis pour « ses piafs », mais l’agriculteur en est convaincu : des aménagements propices à la biodiversité sont possibles à moindre coût. Sur sa ferme, les zones favorables à la flore et la faune, qui représentent près de 10 hectares, sont couvertes par une MAE biodiversité (1). Benoît Chevron estime consacrer à leur entretien et au semis à peine quatre jours par an.

Mi-mars, le CNRS a publié une étude sur la disparition des oiseaux (2). Un déclin « catastrophique », dû aux pratiques agricoles, selon les auteurs. « On oublie de signifier qu’on sort de deux années climatiques calamiteuses pour la petite faune », pointe l’exploitant. Chez Benoît, malgré ses efforts, le dernier comptage faisait état de quarante perdrix. Il y en avait deux cents en 2014. « Après les pluies ininterrompues au printemps 2016, les 70 mm tombés le 24 juin 2017 sont intervenus au moment du pic de ponte », explique-t-il. À cela s’ajoute la prédation des corneilles, pies et rapaces, ainsi que des chats, responsables du prélèvement de quelque 75 millions d’oiseaux en France (3). « L’agriculture d’antan était plus propice aux petits gibiers. Il y avait moins de prédateurs, car les gardes-chasse s’en chargeaient, remarque Benoît. Les causes de cette perte de biodiversité sont multiples. Même s’il faut reconnaître que les méthodes culturales d’aujourd’hui ont un impact, notamment les machines, plus larges et plus rapides. »

Dans un contexte économique compliqué en grandes cultures, « il faut proposer des mesures environnementales qui ne coûtent rien aux agriculteurs », insiste l’exploitant, qui porte encore les séquelles de 2016. De son point de vue, la dernière Pac a été un échec, « trop compliquée, trop contraignante, trop coûteuse ». Il estime, par ailleurs, que c’est aux chasseurs de financer une partie des aménagements propices à la faune des plaines. En Seine-et-Marne, 70 % des agriculteurs sont en faire-valoir indirect et les baux de chasse sont souvent directement traités entre la société et le propriétaire. « Il suffirait de renégocier les loyers, pour qu’une partie revienne à l’agriculteur qui entretient le territoire, insiste Benoît Chevron. On ne peut pas attendre que l’État paye tout. »

(1) L’Ile-de-France a mis en place une MAE biodiversité. Elle était revue pour 250 hectares, mais 1 250 ha sont finalement engagés pour 2015-2020. L’aide s’élève à 600 €/ha.

(2) Selon cette étude du Centre national de la recherche scientifique, en quinze ans, les populations d’oiseaux ont chuté de 44 % en plaine et de 41 % en zone urbaine.

(3) Chiffres 2014 de la Ligue de protection des oiseaux (LPO).

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