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L’insurrection des Cauchois L’insurrection des Cauchois

Fin 1435, la révolte des paysans normands contre les Anglais se termine dans un bain de sang. C’est « Hiroshima en Normandie » et les survivants fuient le pays.

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La fin de la guerre de Cent Ansa laissé des traces sanglantes dans les campagnes françaises. Depuis 1434, les paysans normands se révoltent au nom de leur « liberté », au son du tocsin, contre les troupes irrégulières anglaises qui les pillent. Avant la paix d’Arras, plusieurs milliers d’entre eux ont péri les armes à la main, en pays d’Auge et aux portes de Caen (Calvados). En novembre 1435, après la reprise de Dieppe (Seine-Maritime) par les Français, les paysans de la pointe du Caux se soulèvent en masse contre les Anglais. Ils reprennent Montivilliers, Harfleur et les environs, mais échouent devant Caudebec (les trois en Seine-Maritime).

Certains habitants du pays, dont un nommé Charuyer – ou Le Caruyer –, prennent la tête du mouvement. Les paysans tournent les armes contre les Anglais, qu’ils détestent. En peu de jours, ils se réunissent. Mais l’armée occupante coupe court à l’insurrection. Une expédition punitive anglaise détruit les villages et massacre la population de la zone rebelle. Mal armés et peu organisés, les Cauchois sont décimés devant Caudebec. « Cette grande foule de paysans, rapporte le chroniqueur Thomas Basin, se répandit en désordre près de la porte et du fossé. Alors deux ou trois cents cavaliers anglais se jetèrent sur eux et en firent grand carnage. » La défaite paysanne est due en partie au retrait de la noblesse : les « capitaines français » et les seigneurs du pays jalousaient le peuple d’avoir si bien amorcé la libération du pays de l’envahisseur anglais. Cette débâcle est le signal d’une terrible répression.

Selon la Chronique normande, « la malédiction fut si grande en Caux » , que le pays demeura presque entièrement inhabité. Hommes et femmes fuyaient, par terre et par mer, « comme en péril de feu ». Certains villages sont rayés de la carte en 1436. Le trésorier de l’archevêque de Rouen note encore en 1447 qu’à Saint-Martin-aux-Buneaux (Seine-Maritime), « il ne demeure personne et il n’y a point de labour ».

Au lendemain de l’insurrection, et pour plusieurs années, c’est, selon le mot de l’historien Guy Bois, « Hiroshima en Normandie ». Le tableau que dresse un député aux états généraux de 1484, est éloquent : « Lorsque toute la population eut été ainsi anéantie par la mort ou par la fuite, la terre demeura improductive et inculte. Où jadis vous eussiez admiré de brillantes moissons et des champs fertiles, s’offraient à la vue des buissons d’épines, des arbres qui avaient pris une croissance inutile ou démesurée. […] Une solitude profonde régnait au loin et partout un silence effrayant. Non seulement on n’entendait plus une voix d’homme, mais les oiseaux des bois même se turent. […] Ces malheurs, ils sont grands, ils étonnent, et ils sembleraient incroyables et presque fabuleux, s’il n’était pas resté de nombreux témoins de ce que j’ai dit, qui pourraient raconter d’autres circonstances innombrables de ce désastre, dont le récit, certes, remplirait des volumes. »

Les survivants s’étaient raréfiés. Dans le pays de Caux, bien des villages qui renfermaient autrefois cent feux, n’en avaient plus que quarante. Il faudra attendre les années 1450 pour que s’amorce le repeuplement.

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