Détecter tôt les signes de burn-out pour réagir
François-Régis Lenoir, docteur en psychologie sociale et agriculteur dans les Ardennes depuis plus de vingt ans, est fondateurde la société Puzzle Concept, spécialisée dans la préventiondu mal-être au travail.
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Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le burn-out ?
Cette notion a été inventée à la fin des années 1980 pour qualifier un certain stress issu de l’activité professionnelle. Elle peut se traduire de l’anglais par « être consumé » pour qualifier l’état de fatigue extrême de quelqu’un, tant au niveau physique que moral. Cet état est le résultat d’un processus. D’abord la personne va s’impliquer fortement dans son travail. Puis elle va vouloir absorber une surcharge d’activité, ce qui va l’épuiser physiquement et émotionnellement, jusqu’à la rendre inefficace. Elle peut perdre le sens de son travail, et sa confiance en elle, ce qui la place dans une grande fragilité.
Le burn-out s’installe doncprogressivement ?
Oui. C’est pourquoi il faut déceler les signes avant-coureurs. C’est un mécanisme profondément lié au stress. Il peut être enrayé.
Quels sont ces signes ?
Il est fréquent de retrouver une grande fatigue dès le matin, de la tristesse, une perte de motivation, de l’irritabilité, une forte anxiété, du stress, le sentiment d’être dépassé, des troubles du sommeil… Évidemment, tout le monde peut passer par ces états sans pour autant faire de burn-out ! Mais c’est la persistance de ces symptômes qui doit alerter.
Peut-on éviter les épisodes de stress ?
Le stress est inévitable et même normal. Au travail, il apparaît lors d’un pic d’activité, d’un imprévu, etc. Et dans la vie personnelle, chacun peut le vivre lors de difficultés avec un enfant, son conjoint, des parents vieillissants...
Encore une fois, c’est la durée qui pose un problème. S’il dure toute l’année, voire plusieurs années, c’est un stress chronique, très dangereux. Chez les agriculteurs, il y a eu, à mon sens, des erreurs d’orientation : conseiller la diversification, sans penser organisation du travail et recherche de soutien, à quelqu’un qui intervient déjà huit heures par jour n’est pas raisonnable ! C’est le mettre en échec. Aucun être humain ne peut être tout le temps sous tension. Or, mes études depuis 2011 montrent qu’un quart de la population agricole et 40 % des éleveurs sont très stressés et que l’équilibre entre « ce qui fait la vie » doit être respecté.
Quel est le lien entre stresset surmenage ?
Le surmenage, physique et psychique, est souvent la conséquence du stress. On croit qu’en multipliant les actions ou en cogitant, on va arranger la situation. Or, le piège est de tomber dans l’agitation et la rumination, sans gagner en efficacité. À un moment, on ne sait plus faire face. Il faut, au contraire, se poser et réfléchir calmement.
Comment différencier le surmenage d’un pic d’activité ?
Un pic d’activité entraîne une surcharge de travail momentanée, puis la personne retrouve son équilibre. Alors que le surmenage entraîne un changement de comportement : moins le temps de manger, moins de joie, un repli sur soi avec l’abandon des activités sociales par exemple. La personne surmenée tiendra des discours sur la perte de sens de son métier et sera en permanence tendue. L’entourage peut aisément détecter ces signes.
Que faire quand on assiste à ce mal-être chez un proche ?
J’aime faire la comparaison avec une maladie physique. Quand une personne a une grippe, vous n’hésitez pas à l’encourager à consulter un médecin. Eh bien, la santé mentale est aussi importante que la santé physique, et l’entourage doit agir tout autant. Il y a trois niveaux d’alerte. En cas de baisse de moral, prenez du temps pour lui proposer une sortie, discuter. Si le mal-être persiste, vous devez alerter la personne, lui dire clairement : « Je te sens en danger. Tu as besoin de soutien. Peux-tu prendre contact avec des aidants ? Je peux t’accompagner si tu le souhaites. » Enfin, si son comportement est inquiétant, voire suicidaire, vous avez un devoir d’assistance à personne en danger : vous devez faire appel à votre médecin ou aux urgences. Avec de l’aide et du temps, on peut aller mieux, retrouver du dynamisme et de la joie. Beaucoup de témoignages le prouvent.
C’est difficile d’apparaître faible, même culpabilisant. Comment l’assumer ?
Il faut que les mentalités changent et lever le tabou des difficultés psychologiques. Le stress chronique et le burn-out, ça peut arriver à tout le monde ! Dans un environnement trop exigeant, même quelqu’un avec un fort niveau de résistance atteindra son « point de rupture ». Il est grave de faire croire à une personne que son état est dû à son incompétence ou à sa fragilité. Elle est, au contraire, la victime d’un système défaillant dont elle fait partie. En agriculture, les facteurs de risque sont nombreux : surcharge de travail, manque de reconnaissance, critiques de la société, environnement économique fluctuant et non maîtrisable, etc.
Propos recueillis par Sophie Bergot
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